🇮🇱 L’armée israélienne multiplie les frappes dans la bande de Gaza

🇮🇱 L’armée israélienne multiplie les frappes dans la bande de Gaza

C’est la plus grave confrontation entre Gaza et Israël depuis l’opération « gardien de la Muraille » il y a 14 mois. Et « Aube naissante » n’est pas une opération qui va se terminer en quelques heures, préviennent les responsables militaires israéliens. L’armée israélienne, elle, continue ses captures en Cisjordanie. L’Égypte a proposé sa médiation.

Ce samedi matin, une nouvelle attaque ciblée israélienne à l’aide d’un drone se serait déroulée contre un motard dans le nord de la bande de Gaza. Des tirs de roquettes à partir de Gaza ont eu lieu pendant toute la nuit, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul. Ce sont les localités voisines de la frontière qui sont visées, mais vendredi 5 août au soir, les sirènes ont retenti également dans trois banlieues de Tel Aviv.

En début d’après-midi ce samedi, de nouveaux tirs de roquettes à partir de la bande de Gaza ont été entendus. Alors que le Jihad islamique affirme ne pas avoir encore utilisé ses missiles à longue portée, en fin de matinée les sirènes ont retenti dans la ville de Modiin non loin de l’aéroport international Ben Gourion, en plein cœur d’Israël. En tout, autour de 200 roquettes ont été tirées. La plupart interceptées par le système Dôme de fer. 

L’armée israélienne, de son côté, a continué ses frappes, faisant au moins 15 morts côté palestinien, dont un commandant du Jihad islamique mais aussi, selon des sources hospitalières palestiniennes et l’UNICEF, une fillette de 5 ans. Une femme de 23 ans aurait aussi été tuée et 75 civils blessés, selon notre correspondante à Ramallah Alice Froussard. L’armée israélienne annonce deux soldats blessés.

Des Palestiniens dans les décombres d’un bâtiment résidentiel détruit par des frappes aériennes israéliennes, à Gaza, samedi 6 août 2022. AP – Fatima Shbair

Un haut-responsable du Jihad islamique arrêté à Jénine

Les principales cibles israéliennes sont les lances roquettes et des entrepôts d’armes dans la bande de Gaza, identifiés avec le Jihad islamique. Selon une source à Gaza, c’est une deuxième phase qui commence ce samedi, celle de viser des maisons, en demandant aux habitants d’évacuer. Parallèlement, et c’est le point le plus important à noter ce samedi matin, les arrestations se poursuivent en Cisjordanie.

Ce samedi, les militaires israéliens ont procédé à la capture de plusieurs militants du Jihad islamique et notamment d’un haut responsable de l’organisation dans le secteur de Jénine. Or, c’est l’arrestation de Basaam al-Saadi, l’un des hauts responsables du Jihad islamique palestinien en Cisjordanie, le 2 août, qui avait provoqué ce regain de tension et entraîné en fin de compte l’ouverture des hostilités.

Conséquence de l’opération israélienne, l’unique centrale électrique de la bande de Gaza est à l’arrêt faute de carburant, a annoncé un porte-parole de la compagnie d’électricité, au cinquième jour du bouclage complet de l’enclave palestinienne par Israël. Le site fonctionne habituellement grâce aux livraisons de diesel depuis Israël, qui a donc fermé les passages frontaliers en début de semaine.

Le porte-parole de l’armée israélienne le souligne : pas question de mettre fin à cette opération militaire avant que tous les objectifs ne soient atteints. Et cela pourrait prendre une semaine encore.

La question qui reste posée est de savoir si le Hamas va se joindre aux combats. Dans l’enclave palestinienne, en tout cas le Jihad islamique se déclare prêt à une guerre d’usure. La situation va s’aggraver, proclame un responsable de l’organisation.

« Très dangereuse escalade »

Tout a commencé dans l’après-midi hier vendredi, avec une première salve de tirs israéliens, une quinzaine de cibles en 170 secondes sur un quartier résidentiel de Gaza, disait à Alice Froussard une source sur place. Sur les images, une épaisse fumée grise, des blessés, des morts évacués et des secouristes qui s’affairent parmi les décombres. Pour l’État hébreu, il s’agissait « d’une opération de contre terrorisme » visant l’un des leaders du Jihad islamique palestinien, Taysir al-Jabari. C’est l’une des figures les plus importantes du mouvement qui a été tuée.

Des personnes portent le corps de Taysir al-Jabari, commandant du Jihad islamique, qui a été tué lors de frappes aériennes israéliennes sur son appartement dans la ville de Gaza, vendredi 5 août 2022. AP – Abdel Kareem Hana

À Ramallah, la présidence palestinienne condamne « cette agression israélienne ». Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid précise qu’ « Israël fera tout pour défendre son peuple ». L’émissaire pour l’ONU au Proche-Orient se dit profondément préoccupé et parle « de très dangereuse escalade ». 

L’Égypte propose sa médiation 

L’Union européenne suit avec une « vive inquiétude » les violences dans la bande de Gaza et appelle toutes les parties à un « maximum de retenue » afin d’éviter une nouvelle escalade, a déclaré samedi le porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. « Israël a le droit de protéger sa population civile, mais tout doit être fait pour empêcher un conflit plus large, qui affecterait avant tout les populations civiles des deux côtés et entraînerait de nouvelles victimes et davantage de souffrances », a insisté Peter Stano dans un communiqué. « Ces derniers événements soulignent une fois de plus la nécessité de restaurer un horizon politique et d’assurer une situation durable à Gaza », a-t-il affirmé.

« Nous observons avec une profonde inquiétude l’évolution des événements, qui peuvent entraîner une reprise de la confrontation militaire à grande échelle et aggraver encore la situation humanitaire déjà déplorable à Gaza », a indiqué de son côté la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, dans un communiqué, appelant « toutes les parties impliquées à faire preuve d’une retenue maximale ».

Quant à l’Égypte, l’intermédiaire historique entre Gaza et Israël, elle s’efforce de jouer les médiateurs  pour parvenir à un « retour au calme le plus vite possible », précise une source sécuritaire égyptienne. Une délégation du Jihad islamique palestinien s’y rend ce samedi.

Qui est le Jihad islamique ?

Né au début des années 1980, le mouvement du Jihad islamique palestinien occupe une place particulière sur l’échiquier politique, comme l’explique Alain Gresh, directeur du journal en ligne Orient XXI, au micro de Juliette Gheerbrant du service international de RFI. 

« Le Jihad islamique est une organisation assez originale dans la mesure où elle a des références qui sont à la fois l’islam -beaucoup de ses membres et de ses dirigeants sont venus des mouvances islamiques Frères musulmans, etc… – mais aussi une référence nationaliste révolutionnaire. Ils se sont inspirés de penseurs de la révolution iranienne comme ‘Alî Sharî’atî. Ce sont des musulmans sunnites, mais ils ont pris ces références. Et donc ça leur a donné une place particulière sur l’échiquier politique palestinien : ils sont d’abord contre les divisions qui existent entre l’autorité de Cisjordanie et le pouvoir à Gaza, ils sont à la fois indépendants du Hamas, ils ne dépendent pas de lui, et ils sont indépendants et assez hostiles à l’Autorité palestinienne. Ayant une base populaire assez importante à Gaza, bien que contrairement au Hamas ils ne sont pas du tout engagés dans des opérations d’aides sociales de formation etc…, is sont essentiellement une organisation politico-militaire. »


►Pour en savoir plus : « Le Jihad islamique en Palestine. De la théologie à la libération ? Histoire du Jihad islamique palestinien », de Wissam Alhaj, Nicolas Dot-Pouillard et Alice Rebillard, éd. La Découverte

De la fumée et des incendies s’élèvent à la suite de frappes aériennes israéliennes sur un immeuble de la ville de Gaza, le 5 août 2022. AFP – MOHAMMED ABED

RFI