🇫🇷 Génocide des Tutsis: réclusion à perpétuité confirmée en appel pour Philippe Manier
Au terme de six semaines et demie de procès en appel, la cour d’assises de Paris a confirmĂ© mardi 17 dĂ©cembre au soir la peine de rĂ©clusion Ă perpĂ©tuitĂ© prononcĂ©e en première instance contre Philippe Manier, ancien gendarme rwandais, qui Ă©tait rejugĂ© pour son implication dans le gĂ©nocide des Tutsis. Philippe Hategekimana, 67 ans, naturalisĂ© Français sous le nom de Philippe Manier, a Ă©tĂ© reconnu coupable de gĂ©nocide et crime contre l’humanitĂ© pour quasiment tous les chefs d’accusation qui pesaient Ă son encontre. «Vous avez Ă©tĂ© le bras zĂ©lĂ© du gĂ©nocide par votre action dĂ©terminĂ©e mais aussi dĂ©terminante», a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident, ajoutant que sans lui, «les faits n’auraient pas atteint une telle ampleur».
«Vous restez une Ă©nigme pour nous», a continuĂ© le prĂ©sident en s’adressant Ă Philippe Manier. «Vous n’avez pas montrĂ© de regret, pas de dĂ©ni, pas d’introspection. Vous ne vous ĂŞtes prĂ©sentĂ© que comme la victime d’un complot.» Le verdict Ă©noncĂ© par la cour après 13 heures de dĂ©libĂ©rĂ© est conforme aux rĂ©quisitions du Parquet national antiterroriste (Pnat) vendredi. «La justice a Ă©tĂ© rendue, la vĂ©ritĂ© judiciaire a Ă©tĂ© rendue et nous en sommes satisfaits», s’est rĂ©joui Alain Gauthier, prĂ©sident du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). MĂŞme satisfaction pour l’association Ibuka, partie civile au procès: «La cour a retenu le caractère vertigineux et surtout l’impact sur l’histoire de l’humanité», a saluĂ© Me Mathilde AublĂ©.
Naturalisé français en 2005, Philippe Manier, qui a toujours nié toute implication dans le génocide, était poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation des crimes de génocide et autres crimes contre l’humanité, génocide et crime contre l’humanité. Surnommé Biguma à l’époque des faits, l’ancien adjudant-chef était accusé d’avoir participé ou encouragé le meurtre de dizaines de Tutsi en avril 1994 dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), dont celui du bourgmestre de Ntyazo qui résistait à la mise en œuvre du génocide dans sa commune.
«Un cauchemar sans fin»
Selon l’accusation, Philippe Manier avait notamment ordonné et supervisé l’érection de barrages routiers «destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsis». L’accusation lui reprochait également d’avoir participé en donnant des ordres, voire en étant directement impliqué sur le terrain, à plusieurs massacres. Il s’agit du massacre de la colline de Nyabubare, où 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994 ; celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure où s’étaient réfugiés des milliers de Tutsis ; et celui de l’Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées. Le génocide au Rwanda a fait plus de 800.000 morts selon l’ONU, essentiellement des Tutsis exterminés entre avril et juillet 1994.
Debout pour entendre la dĂ©cision de la cour dans le box des accusĂ©s, Philippe Manier n’a pas rĂ©agi Ă l’annonce de la peine. Juste avant que la cour ne parte dĂ©libĂ©rer mardi matin, il avait dĂ©clarĂ© que «la situation au Rwanda Ă©tait un cauchemar sans fin. Le gĂ©nocide Ă l’encontre des Tutsis a Ă©tĂ© une rĂ©alitĂ© atroce. Pour moi, le cauchemar continue. Je suis un homme brisĂ© car innocent de ce dont on m’accuse.»
La dĂ©fense avait soutenu tout au long du procès que M. Manier Ă©tait une cible politique et que la justice française n’Ă©tait pas apte «à juger des affaires aussi complexes». «Ce qui est regrettable, c’est que Philippe Manier a Ă©tĂ© condamnĂ© sur la base d’une preuve incomplète et insuffisante», a dĂ©clarĂ© son avocat, Me Emmanuel Altit, Ă l’issue du dĂ©libĂ©rĂ©. «Nous avons dĂ©montrĂ© qu’il n’y avait rien dans le dossier Ă l’exception de tĂ©moignages contradictoires et fabriquĂ©s», a-t-il renchĂ©ri. Les avocats de Philippe Manier ont annoncĂ© leur intention de se pourvoir en cassation.
Par Le Figaro avec AFP