🇪🇸 Espagne: le baiser forcé de Rubiales à la joueuse Jenni Hermoso s’inscrit «dans un rapport de domination»
En Espagne, malgré le baiser forcé du président de la fédération à la joueuse Jenni Hermoso après la victoire de la Roja, Luis Rubiales a décidé de ne pas démissionner et parle d’un geste « consenti ». C’est ce qu’il a déclaré lors d’une assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue le vendredi 25 août. Un discours qualifié de « lunaire » et d’« inacceptable » par beaucoup alors que les messages de soutien envers la joueuse et les témoignages se multiplient.
Dans un discours que beaucoup qualifient de « lunaire », Luis Rubiales s’excuse pour son attitude durant cette finale mais fustige une cabale contre lui et surtout, il affirme que le baiser forcé à Jenni Hermoso lors de la remise de la Coupe du Monde était consenti, ce que dément la joueuse. Une contre-attaque très particulière alors qu’une plainte pour agression sexuelle a été transmise à la justice espagnole et que la Fifa a ouvert une enquête.
Alors en Espagne, un seul mot d’ordre: la solidarité avec Jenni Hermoso qui dément les propos de Rubiales. La double ballon d’or Alexia Putellas a fait part de son indignation. Les joueuses de la Roja commencent quant à elles à briser le silence et selon la radio Onda Cero, les championnes du monde renonceraient à la sélection tant que la direction de la fédération ne change pas, rapporte notre correspondant à Madrid, Pierre Chaperon.
Dans les rues de Madrid aussi le choc prédomine: pour Sonia, la cinquantaine, la décision de Luis Rubiales l’a surprise: « Je n’y ai pas cru. J’étais bouche bée. Il a encore rejeté la faute sur cette pauvre fille. C’est un discours clairement machiste qu’il a eu. C’est à n’y rien comprendre. Beaucoup de pays sont en train de se demander ce qu’il se passe. Quelle image donnons-nous ? » Même son de cloche pour Carmen, 27 ans, qui estime que l’attitude de Luis Rubiales pourrait servir de déclic: « Je crois que plus qu’un coup contre les violences faites aux femmes, il nous donne raison. Parce qu’avec ses attitudes de Cro-Magnon avec ce qu’il a fait pendant le match, ensuite l’excuse, puis revenir sur ses excuses. Je crois que plus qu’un coup, ça peut donner un élan. »
« La réaction, c’est toujours de minimiser la portée du geste »
La chercheuse Sandy Montanola, spécialisée dans le sport, explique comment les agresseurs justifient systématiquement leurs gestes: « La réaction, c’est toujours de minimiser la portée du geste, c’est essayer de le normaliser à la fin. C’est-à-dire faire à la fois comme si le milieu sportif est un milieu à part ; un milieu récréatif – c’est-à-dire avec la victoire et l’ambiance qu’il peut y avoir – comme si tout cela pouvait venir justifier ce comportement. Ou alors l’autre réaction est de se dire victime soit du féminisme, soit d’adversaires qui en voudraient à la position qu’on occupe. Il faut quand même rappeler que le sport, ça reste un milieu professionnel comme les autres, donc avec des règles. »
Pour la chercheuse, ce geste symbolise tout un système: « Ce qu’on voit ici, c’est qu’il y a quand même un rapport de domination entre des personnes qui ont un lien hiérarchique, donc entre un président de fédération – et c’est le cas aussi pour les entraîneurs – puis des joueuses. Cela reste ensuite compliqué pour les athlètes de pouvoir aller dénoncer des personnes dont elles sont dépendantes elles-mêmes, soit pour leur carrière, soit parce qu’elles sont au sein d’un collectif. »
Un acte qui doit être « puni pour montrer l’exemple »
Pour Candice Prévost, ancienne joueuse de football professionnelle, c’est nécessaire qu’il y ait quelque chose pour l’exemple: « Luis Rubiales disait que ce n’était pas forcément approprié parce que c’était visible. Mais ça veut dire quoi ? Cela veut dire que potentiellement, si ce n’est pas visible, c’est approprié ? En fait, si. Que ce soit visible ou invisible, ça reste très grave et il faut que ça soit puni pour montrer l’exemple et pour simplement arrêter ces comportements-là. On est en 2023, et on n’a encore, pour moi, pas assez célébré la victoire des Espagnoles. Il a complétement effacé cette victoire. Et je trouve cela inadmissible. »
Et 81 joueuses espagnoles, dont les 23 championnes du monde, ont décidé dans un communiqué de boycotter l’équipe d’Espagne tant que la direction de la fédération ne changera pas.
Le gouvernement espagnol a entamé samedi 26 août une procédure de suspension de Luis Rubiales et affiche sa préoccupation, plusieurs présidents de fédérations régionales en Espagne ont démissionné. De son côté, la Fédération espagnole de football (RFEF) a qualifié de « mensonges » les accusations portées contre son président. « La RFEF et le président (Luis Rubiales) vont prouver chaque mensonge publié par qui que ce soit au nom de la joueuse, ou, si c’est le cas, par la joueuse elle-même », a indiqué l’instance dans un communiqué dans la nuit de vendredi à samedi.
(et avec AFP)