🇿🇦 Élections gĂ©nĂ©rales en Afrique du Sud: près de 27 millions d’Ă©lecteurs appelĂ©s Ă se rendre aux urnes
Jour de vote en Afrique du Sud. Depuis 7 heures ce matin, plus de 23 000 bureaux ont ouvert, dans le pays, pour permettre Ă plus de près millions d’électeurs de choisir leurs parlementaires – qui Ă©liront ensuite un prĂ©sident, et leurs conseillers rĂ©gionaux. Une Ă©lection qui pourrait reprĂ©senter un tournant pour le pays, si le parti de la libĂ©ration, le Congrès National Africain (ANC) venait Ă perdre sa majoritĂ© absolue Ă l’AssemblĂ©e nationale, comme le prĂ©disent les sondages.Â
Les bureaux de vote ont ouvert ce mercredi 29 mai en Afrique du Sud, pour des Ă©lections lĂ©gislatives annoncĂ©es comme les plus disputĂ©es des trente dernières annĂ©es. Quelque 27 millions d’Ă©lecteurs inscrits sont appelĂ©s Ă se rendre aux urnes jusqu’Ă 21h00 (19h00 TU) pour choisir 400 dĂ©putĂ©s. Autour de 900 000 Ă©lecteurs ont dĂ©jĂ votĂ© ces deux derniers jours, avec le vote anticipĂ©.
Des lĂ©gislatives Ă un enjeu de taille : en effet, les dĂ©putĂ©s Ă©lus auront ensuite la lourde tâche de nommer le prĂ©sident du pays. Une Ă©lection qui pourrait reprĂ©senter un tournant pour le pays, si le parti de la libĂ©ration, le Congrès National Africain, l’ANC, et son leader Cyril Ramaphosa venait Ă perdre sa majoritĂ© absolue Ă l’AssemblĂ©e nationale – du jamais vu depuis 1994 -, comme le prĂ©disent les sondages. L’ANC, le parti de Nelson Mandela, est en effet au pouvoir depuis 1994, mais a perdu beaucoup de son aura et de son avance lors des derniers scrutins.
Ă€ Soweto, une file alimente le bureau de vote
Dans un bureau de vote du township de Soweto, au sud-ouest de Johannesburg, les portes du bureau ont ouvert au matin. Comme partout dans le pays, les agents de la commission Ă©lectorale accueillent les premiers Ă©lecteurs, dĂ©crit notre correspondante sur place, Claire Bargelès. Un peu plus tĂ´t, les bulletins de vote sont arrivĂ©s, escortĂ©s par la police sud africaine, dans ce lycĂ©e de Soweto transformĂ© en bureau de vote. Il s’agit d’un lieu très symbolique : c’Ă©tait de cet Ă©tablissement Morris Isaacson qu’était parti le soulèvement des Ă©lèves de Soweto en 1976, des Ă©meutes rĂ©primĂ©es dans le sang, et qui avait reprĂ©sentĂ© un tournant dans la lutte contre l’apartheid.
TĂ´t ce matin, Ă l’ouverture des bureaux de vote, il n’y avait pas encore foule, mais une file rĂ©gulière alimente en continu le lieu. Lorsqu’ils rentrent cette Ă©cole publique transformĂ©e en bureau de vote, les Ă©lecteurs reçoivent, un Ă un, trois bulletins de vote, alors que le pays vote Ă la fois pour des scrutins nationaux et rĂ©gionaux.
Des bulletins très longs puisque quelque 70 partis sont en lice, ainsi que des candidats indépendants. Une fois passé par l’isoloir, les électeurs reçoivent ensuite une trace au marqueur sur leur pouce, pour indiquer qu’ils ont bien voté. Malgré tout, au matin, le contraste est déjà grand par rapport aux élections de 1994, il y a 30 ans, où d’immenses files s’étaient formées pour les premières élections libres.
Dans un autre bureau de vote, l’appel pour des Ă©lections libres et justes
Dans un autre bureau de vote, Ă l’ouest de Johannesburg, le monde est dĂ©jĂ prĂ©sent Ă l’ouverture du bureau. Il y a plus de 200 personnes, mĂŞme 300, et le nombre ne fait qu’augmenter, rapporte notre correspondant sur place, Romain Chanson.
Ce bureau de vote, heureusement, a ouvert Ă l’heure puisque ces gens attendaient dans le froid – l’hiver a dĂ©butĂ© en Afrique du Sud. Ă€ l’ouverture, un petit discours touchant de la prĂ©sidente du bureau a appelĂ© les Sud-africains Ă rester qui ils sont, c’est-Ă -dire une nation dĂ©mocratique, une nation respectueuse des opinions politiques et Ă assurer des Ă©lections qui soient libres et justes.
S’il y a autant de monde, ce matin, dans ce bureau de vote précis – ce n’est pas le cas partout, comme à Soweto – c’est que ces électeurs sont motivés par un désir de changement, et désireux que l’ANC perde ses élections.
C’est la première fois que je vote. Je ressentais un besoin, une envie de changement. Nous, la jeunesse, on doit participer car on est les premiers concernĂ©s. Pour quelqu’un comme moi qui s’apprĂŞte Ă travailler, j’ai besoin d’un pays qui est solide politiquement et dont l’Ă©conomie est productive.
L’ANC en forte perte de vitesse
Soweto est traditionnellement une place forte pour l’ANC au pouvoir, pourtant cette année, le cœur des habitants balance car les sentiments vis-à -vis du parti au pouvoir ont aussi changé là -bas, raconte Claire Bargelès. L’Afrique du Sud est la première puissance économique du continent, et pourtant le quartier n’a plus d’électricité depuis plusieurs jours, pour cause de panne. Johannesburg subit aussi des coupures d’électricité de 6h à 12h par jour, car les centrales sont vieillissantes, il n’y a pas eu d’investissement, l’argent public a été détourné. Cela n’empêche en rien les opérations de vote, mais cela alimente encore plus la colère de ceux qui affirment ne pas voter ANC.
Les principales critiques qui visent le parti au pouvoir sont en lien avec le manque de services publics, ainsi que le chômage qui touche un tiers de la population, et 45% des jeunes.
Toutefois, l’on trouve aussi des habitants qui apprĂ©cient les politiques sociales, mises en place depuis 30 ans par le parti, notamment en matière de logement, malgrĂ© certains Ă©checs. L’ANC est notamment populaire chez les plus âgĂ©s dans les campagnes, pour qui l’ANC reste le mouvement qui a luttĂ© pour la libertĂ©, pour la fin de l’apartheid. Cependant, mĂŞme chez les plus vieux, il y a des déçus. Du cĂ´tĂ© des jeunes, ceux qu’on appelle les « Born free » – nĂ©s libre, donc après l’apartheid – n’ont pas cette loyautĂ© envers l’ANC, et sont plus Ă mĂŞme de voter pour l’opposition, ou ne pas voter du tout.
Une potentielle coalition, mais avec qui ?
Le choix des indécis, ainsi que l’abstention, seront également à mettre dans la balance, pour déterminer si la formation de Cyril Ramaphosa perdra ou non sa majorité absolue, dans ces élections très incertaines.
Les sondages ont Ă©tĂ© durs avec l’ANC. Ils voient le parti au pouvoir sous les 50%, voire sous les 40% nationalement, le score le plus bas de son histoire. Cette tendance s’observe depuis 20 ans et, depuis, tous les diffĂ©rents rĂ©sultats Ă©lectoraux de l’ANC dĂ©clinent d’élection en Ă©lection. Ă€ son plus haut niveau en 2004, il recueillait 70% des suffrages. Aux dernières Ă©lections en 2019, il n’Ă©tait plus qu’Ă 57%.
Si la formation du prĂ©sident actuel passe sous la barre des 50%, cela reprĂ©senterait non seulement une chute brutale de confiance, mais pourrait aussi conduire Ă une coalition, et les dĂ©putĂ©s de l’ANC devront faire alliance avec l’opposition. Ce serait une première dans le pays au niveau national, mais une alliance avec qui ? L’Alliance DĂ©mocratique, le plus gros parti d’opposition, de tendance libĂ©rale dirigĂ© par John Steenhuisen.
Ou bien les Combattants pour la libertĂ© Ă©conomique, un mouvement de gauche radical, dont le leader Julius Malema est un ancien de la ligue des jeunes de l’ANC. Il faudra Ă©galement surveiller uMkhonto we Sizwe, le tout nouveau parti dirigĂ© par l’ancien chef d’état Jacob Zuma, qui a Ă©tĂ© forcĂ© de dĂ©missionner de son poste en raison des nombreux scandales qui l’entoure.
Le score de l’ANC va dĂ©terminer avec quel parti il peut faire alliance et donc ses orientations durant les prochaines annĂ©es. Les bureaux de vote fermeront leurs portes Ă 21h, et les rĂ©sultats dĂ©finitifs sont attendus dimanche.
Je n’ai plus d’espoir quant Ă la capacitĂ© de l’ANC Ă changer. Ils ont eu suffisamment de chances pour le faire, et Ă la place, ils utilisent leur pouvoir pour manipuler le système. Pour l’instant je ne sais pas trop quoi faire, mais une chose est sĂ»re, je vais voter. Peut-ĂŞtre que je dĂ©ciderai une fois dans la queue.
RFI