🇰🇷 Nouvelle opération pour tenter d’arrêter le président sud-coréen toujours retranché dans sa “forteresse”

🇰🇷 Nouvelle opération pour tenter d’arrêter le président sud-coréen toujours retranché dans sa “forteresse”

Un nouveau bras de fer s’annonce dès mercredi entre le président sud-coréen déchu Yoon Suk-yeol et les enquêteurs munis d’un nouveau mandat pour l’arrêter à son domicile, comparé à une forteresse par l’opposition.

© AFP

L’ex-procureur vedette a échappé à une première tentative d’arrestation vendredi, réfugié derrière quelque 200 éléments de sa garde rapprochée qui ont tenu en échec les équipes venues l’appréhender, forcées de battre en retraite. Mais cette fois, les enquêteurs auront l’aide de la police qui, bien qu’ayant refusé d’exécuter elle-même le mandat, a dit qu’elle arrêterait tout agent du Service de sécurité présidentiel (PSS) faisant obstruction (suite ci-dessous).

Yoon Suk-yeol © AFP

Nouveau mandat d’arrêt

Le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes-personnalités (CIO), qui centralise les investigations contre M. Yoon pour son éphémère loi martiale de début décembre, a vu son mandat d’arrêt renouvelé par la justice mardi. “Nous allons nous préparer minutieusement pour l’exécution du deuxième mandat, avec la ferme détermination qu’il s’agit du dernier, et faire tout ce qui est en notre pouvoir au niveau organisationnel pour atteindre notre objectif”, a lancé mardi le chef de cette agence, Oh Dong-woon, lors d’une audition devant des parlementaires. Il a d’ailleurs présenté ses excuses pour le premier échec, concédant qu’il n’était même pas certain que Yoon Suk-yeol se trouve encore chez lui.

Inexpérience du CIO

Pour Yun Bok-nam, président de l’association Avocats pour une société démocratique, l’échec de la première tentative d’arrestation du président déchu s’explique surtout par l’inexpérience du CIO, qui n’a que quatre ans d’existence, compte moins de 100 employés et n’a jamais inculpé personne à ce stade. “Naturellement, ils n’ont aucune expérience des arrestations, à plus forte raison de l’arrestation d’un président”, souligne Me Yun. “La coopération de la police est essentielle”, estime-t-il.

Véritable “forteresse”

Le domicile de l’ancien procureur vedette “est en train de se transformer en forteresse”, a dénoncé le député de l’opposition Youn Kun-yung, affirmant que les gardes y installaient des barbelés.

Rappel des faits

M. Yoon avait sidéré le pays dans la nuit du 3 au 4 décembre en proclamant par surprise la loi martiale et en envoyant l’armée au Parlement pour le réduire au silence. Un nombre suffisant de députés était parvenu à tenir une séance d’urgence et à voter un texte exigeant la levée de cet état d’exception, alors que des milliers de manifestants pro-démocratie criaient leur indignation à l’extérieur. Sous la pression des élus, de la rue et obligé par la Constitution, M. Yoon avait dû faire marche arrière. Il a été destitué par l’Assemblée nationale le 14 décembre et se trouve depuis suspendu, dans l’attente que la Cour constitutionnelle confirme ou infirme la décision des députés. Elle a pour ce faire jusqu’à la mi-juin. D’ici au verdict, Yoon Suk-yeol reste officiellement le président du pays. Son arrestation serait donc une première pour un chef d’État sud-coréen en exercice.

Quartier chic de Séoul

Le domicile de Yoon Suk-yeol se trouve à Hannam, quartier chic du centre de Séoul, au bord du fleuve Han. On y trouve certaines des maisons les plus chères de Corée du Sud, des ambassades et même, selon la presse, les domiciles de superstars du groupe de k-pop BTS. M. Yoon a jeté son dévolu sur ce coin prisé de Yongsan, arrondissement où les troupes japonaises du temps de la colonisation (1910-1945), mais aussi américaines après la Seconde Guerre mondiale, avaient établi leur base.

Déménagement inédit

Peu après son investiture en 2022, Yoon Suk-yeol a déposé ses valises dans son actuelle résidence avec son épouse Kim Keon-hee, refusant d’habiter dans le traditionnel palais des chefs de l’État, la Maison Bleue. Au titre que la demeure, aux tuiles colorées dont elle tire son nom, incarne selon lui l’excès des empereurs. Il est ainsi devenu le premier dirigeant sud-coréen à ne pas s’y installer, ouvrant le lieu au public. Yoon Suk-yeol a ensuite dû se défendre d’avoir été conseillé par un chaman, l’opposition avançant qu’il aurait également écouté des maîtres du feng shui le prévenant que la Maison Bleue attirait le mauvais oeil.

Vives critiques

Les critiques les plus vives se sont toutefois focalisées sur le coût du déménagement et la quantité d’agents restés sur place pendant que, fin 2022, 159 personnes mouraient dans une bousculade dans le quartier voisin d’Itaewon pendant une fête de Halloween où la police était en sous-nombre. Le Service de sécurité présidentiel avait alors affirmé qu’il était une entité distincte de la police et n’avait donc pas à l’aider.

Périmètre militaire

Les gardes et les avocats de M. Yoon soutiennent que la propriété est un périmètre militaire où sont cachés des secrets d’État et ne tombe pas sous la juridiction du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes-personnalités (CIO), qui a mené la tentative d’arrestation. La résidence est une zone tellement sensible que le bureau de Yoon Suk-yeol a déposé plainte contre un YouTubeur accusé d’avoir filmé Kim Keon-hee en train d’y promener son chien.

Bunker présidentiel

Le bureau de la présidence, situé à un autre endroit de Séoul, dispose d’un bunker où le chef de l’État peut se réfugier en cas d’attaque nord-coréenne ou autre désastre majeur. Le ministère de la Défense refuse de dire si le domicile personnel de M. Yoon est équipé d’une installation similaire. En dépit des incertitudes, le chef du CIO, Oh Dong-woon, a assuré que son équipe et lui feraient “tout ce qui est en (leur) pouvoir” pour l’arrêter.

La « forteresse » présidentielle vue du ciel © via REUTERS

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