France : vers la possibilité de démissionner et de toucher le chômage

France : vers la possibilité de démissionner et de toucher le chômage

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, l’ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires ayant un projet professionnel entrera enfin en vigueur au 1er novembre, mais elle ne sera effective qu’en 2020 et encadrée, pour éviter une vague de départs non préparés.

Si la mesure a été votée en septembre 2018 dans la loi “sur la liberté de choisir son avenir professionnel”, son application a été différée à la réforme de l’assurance-chômage adoptée cet été par décret.

“Favoriser la mobilité professionnelle”

Corrélé à un projet de formation ou de création/reprise d’entreprise, ce “nouveau droit” permettra, selon le gouvernement, de “favoriser la mobilité professionnelle” en “garantissant un revenu de remplacement” pendant la période de reconversion, qui dure en moyenne 15 mois.

Sur le papier, c’est une rupture avec la philosophie de l’assurance-chômage qui vise à l’indemnisation “d’une privation involontaire d’emploi” (licenciement, fin de CDD…).

Certes, ce principe a déjà été écorné depuis 2008 par la montée en puissance des “ruptures conventionnelles” (plus de 20% des dépenses d’indemnisation en 2018), mais celles-ci nécessitent l’accord de l’employeur. Si des cas de “démissions légitimes” (conjoint muté, etc) sont indemnisés, ils sont restreints (70.000 en 2016 sur 210.000 démissionnaires s’inscrivant à Pôle emploi).

L’ambition initiale du candidat Macron d’une “assurance-chômage universelle” a cependant été revue à la baisse, et heureusement selon entreprises et syndicats.

Un million de démissions par an

“La démission est la première cause de rupture de CDI, plus d’un million par an, on a attiré l’attention sur un risque financier non négligeable”, se souvient Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des DRH. Surtout en période de bonne conjoncture, avec un faible chômage des cadres. Dans une enquête Ifop de novembre 2018, un cadre sur trois envisageait ainsi de démissionner “pour changer de vie”, dont la moitié dans les 12 mois. De quoi déstabiliser potentiellement pas mal d’entreprises.

Les syndicats étaient aussi moyennement enthousiastes. “Inciter des personnes à démissionner, ce n’est pas rien. Les gens peuvent surestimer leurs capacités de rebond. Il faut acquérir de nouvelles compétences, accepter de recommencer junior, faire ses preuves, etc”, souligne Jean-François Foucard (CFE-CGC).

L’Unédic soulignait en 2018 que, si les trois quarts des cadres ont retrouvé un emploi pérenne quatre mois après leur démission, ce n’est le cas que d’un ouvrier sur deux.

Mesure strictement encadrée

En conséquence, la mesure a été strictement encadrée.

D’abord le salarié devra avoir cinq ans d’ancienneté. Avant de poser sa démission, il devra demander un conseil en évolution professionnelle (CEP) auprès d’un opérateur agréé et ensuite adresser à une commission paritaire (syndicats/patronat) de sa région une demande d’attestation “du caractère réel et sérieux” de son projet.

Celle-ci examinera notamment “la pertinence de la formation identifiée” et ses perspectives d’emploi ou, pour une entreprise, les “besoins de financement” et les “moyens techniques et humains” envisagés.

Une fois l’attestation obtenue, le salarié aura six mois pour déposer une demande d’allocation à Pôle emploi, qui sera chargé de contrôler la mise en œuvre réelle du projet.

Pour Jean-Philippe Cépède, directeur juridique de Centre Inffo, la mesure a été conçue comme “une roue de secours” pour les salariés. Ceux-ci seront d’abord incités, à partir de leur compte personnel de formation (CPF), à demander un “CPF de transition” qui remplace le congé individuel de formation (CIF). “C’est moins risqué qu’une démission, vous pouvez revenir dans votre entreprise. Mais cela dépendra des financements : une demande de CIF sur deux est rejetée”, souligne-t-il.

Transition professionnelle : un certain flou

Autre incertitude, les opérateurs de la transition professionnelle sont eux-mêmes en pleine… transition.

Dans chaque région, les Fongecif, qui géraient les CIF, vont disparaître au 1er janvier au profit d’opérateurs, dont la sélection est en cours d’appel d’offres, pour le CEP et de commissions paritaires, en cours de constitution, pour la validation des “CPF de Transition” et des projets de démission.

D’ici là, pour un salarié qui voudrait démissionner, “c’est un peu flou”, admet-on au Fongecif Ile-de-France qui ne souhaite pas communiquer pour l’instant. “La mise en place va prendre un peu de temps”, juge l’Unedic, qui table sur 17 à 30.000 bénéficiaires par an, pour un coût de 300 millions d’euros pour l’assurance-chômage.

AFP