🌊 Pêche illégale en Afrique de l’Ouest : deux ONG attaquent l’Espagne pour inaction

Deux ONG internationales, ClientEarth et Oceana, ont saisi la justice espagnole pour dénoncer l’inaction de Madrid face aux agissements présumés de navires espagnols soupçonnés de pêche illégale dans les eaux d’Afrique de l’Ouest. L’affaire est actuellement examinée par le tribunal administratif de Madrid.
Les ONG reprochent à l’Espagne de n’avoir mené aucune enquête ni infligé de sanctions à des navires battant son pavillon, bien que ceux-ci soient soupçonnés d’avoir désactivé leur système d’identification automatique (AIS) pendant de longues périodes en mer, notamment au large du Sénégal et de la Guinée-Bissau. Ce dispositif est pourtant essentiel pour garantir la transparence des opérations de pêche.
« Ce manque de transparence pourrait être lié à des activités frauduleuses », a déclaré Nils Courcy, juriste chez ClientEarth. Malgré des alertes adressées aux autorités espagnoles, ces dernières n’ont pas donné suite. Cette situation a conduit les ONG à intenter une action en justice.
L’organisation Global Fishing Watch, citée par les plaignants, a fourni une analyse démontrant que plusieurs navires espagnols opérant en Afrique de l’Ouest ont régulièrement interrompu leur signal AIS. Selon les ONG, ces pratiques compromettent la traçabilité et accentuent la pression sur les ressources halieutiques, avec des conséquences lourdes pour les communautés locales : insécurité alimentaire, pertes d’emplois et migrations forcées.
Les navires étrangers représenteraient 73 % de la flotte industrielle dans la région, selon Oceana et ClientEarth, qui dénoncent un manque de contrôle tant en mer que dans les ports. Elles appellent à une surveillance accrue, estimant que le droit européen impose aux États membres de surveiller les activités de leurs citoyens, y compris hors de l’Union européenne.
Les autorités espagnoles, elles, invoquent une absence de compétence juridique, estimant ne pouvoir intervenir que si les navires concernés figurent sur des listes noires internationales. Une position jugée « intenable » par les ONG, qui réclament une réforme de la législation espagnole pour la rendre conforme aux normes européennes.
L’Union européenne a d’ailleurs adressé en mai 2024 un « carton jaune » au Sénégal, soulignant les lacunes de ce pays en matière de lutte contre la pêche illicite. Mais pour ClientEarth et Oceana, cette pression ne doit pas reposer uniquement sur les pays africains. Les États membres de l’UE ont, eux aussi, une responsabilité directe dans la prévention et la répression de la pêche illégale.
Le recours introduit à Madrid pourrait constituer une jurisprudence importante en matière de responsabilité environnementale transfrontalière, si le tribunal donne raison aux ONG.