🇺🇬 Vanessa Nakate, l’Ougandaise en lutte pour la justice climatique

🇺🇬 Vanessa Nakate, l’Ougandaise en lutte pour la justice climatique

Vanessa Nakate, 24 ans, lutte depuis trois ans contre le réchauffement climatique et ses conséquences en Afrique. Portrait d’une jeune femme déterminée à faire entendre la voix d’un continent directement touché par le changement climatique, alors qu’il n’est responsable que de 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre. 

Elle était applaudie à Milan au début du mois d’octobre, invitée avec 400 jeunes militants pour le climat à un sommet organisé par l’ONU, un mois avant l’ouverture de la COP26.  Cheveux longs et tressés, silhouette fine, la militante écologiste ougandaise Vanessa Nakate ne mâche pas ses mots« On ne peut pas manger du charbon », martèle-t-elle depuis 2018, faisant écho au célèbre avertissement attribué au chef indien Sitting Bull : « lorsque le dernier arbre aura été coupé, l’homme blanc réalisera que l’argent ne se mange pas. »

Depuis trois ans, Vanessa Nakate, 24 ans, combat les énergies fossiles sur les réseaux sociaux et en manifestant devant le Parlement ougandais. Un mode d’action inspiré par Greta Thunberg, la célèbre militante suédoise à l’origine des « Fridays For Future », mais en un peu plus risqué : en Ouganda, la grève et les manifestations sont interdites.

L’Afrique, le continent le plus touché par le réchauffement climatique

Mais il en faut plus pour décourager la jeune femme, qui lutte pour faire entendre la voix de l’Afrique dans la lutte contre le réchauffement climatique. « Notre continent est le plus faible émetteur de CO2 mais nous sommes les plus touchés par la crise climatique », répète-t-elle inlassablement. Responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre, l’Afrique est en effet le continent où les effets du réchauffement climatique se font le plus sentir. Et celui dont on parle le moins.

Vanessa Nakate dénonce ainsi l’invisibilisation de l’Afrique dans les débats sur le réchauffement climatique : « Lorsqu’il est débattu au nord, c’est sous l’angle du risque de crise économique pour les pays riches, pointe-t-elle. Ils ne réalisent pas que pour nous, c’est un drame tangible ». Elle s’applique ainsi à alerter ses concitoyens sur les conséquences du réchauffement climatique en Ouganda et en Afrique.

« Mon pays dépend fortement de l’agriculture, donc la plupart des gens dépendent de l’agriculture. Donc, si nos fermes sont détruites par des inondations, si les fermes sont détruites par des sécheresses et que la production agricole est moindre, cela signifie que le prix des denrées alimentaires va augmenter, expliquait-t-elle ainsi à Amy Goodman, pour Democracy Now !, en 2019. Ce ne sont donc que les plus privilégiés qui pourront acheter de la nourriture. Et ce sont eux les plus gros émetteurs de nos pays, ceux qui pourront survivre à la crise alimentaire, alors que la plupart des gens qui vivent dans les villages et les communautés rurales ont du mal à se procurer de la nourriture à cause des prix élevés. Et cela conduit à la famine et à la mort. Littéralement, dans mon pays, le manque de pluie signifie la famine et la mort pour les moins privilégiés ».

« J’ai compris la définition du mot racisme »

Forte de cette prise de conscience, elle multiplie les engagements. En 2020, au Forum économique mondial de Davos, elle donne une conférence de presse sur l’urgence climatique avec quatre autres jeunes activistes européennes. Photographiée à cette occasion par l’agence de presse AP aux côtés de Greta Thunberg, Loukina Tille, Luisa Neubauer et Isabelle Axelsson, elle a la désagréable surprise de se découvrir coupée de l’image. « J’ai compris la définition du mot racisme, déclare-t-elle alors sur Twitter, ajoutant : une activiste africaine doit-elle se positionner au milieu d’une photo juste à cause de la peur d’être coupée ? » Mais elle ne se décourage pas et   redouble d’énergie dans son combat.

Pour aider sa communauté, la détentrice d’un master en gestion des affaires a lancé dans son pays, avec son organisation Rise Up Movement, le projet « Vash Green Schools » qui permet d’installer dans les écoles rurales des panneaux solaires et des fours écologiques remplaçant la cuisson au bois.

Justice climatique 

Qualifiée de « championne de l’éducation » par Times, qui la place dans sa liste des 100 personnalités à suivre en 2021, elle alerte ainsi enfants et adultes sur l’état de la planète. Avant 2018, et le début de son engagement, elle n’avait elle-même jamais entendu parler du réchauffement climatique.

Mais pour elle, aider les pays en développement à réduire leurs émissions et même à s’adapter aux impacts dévastateurs du changement climatique n’est pas suffisant. Elle veut que les pays riches mobilisent de l’argent pour compenser les préjudices subis, une revendication largement partagée au sein des pays du Sud.

« Les pertes et préjudices sont déjà là maintenant, souligne-t-elle à l’AFP. Les dirigeants doivent le reconnaître et commencer à payer pour ces pertes et préjudices », martèle celle qui se définit comme une militante de la « justice climatique ».

« On ne peut pas s’adapter à la faim, on ne peut pas s’adapter à l’extinction, ou aux traditions perdues, ou à l’Histoire perdue », insiste la jeune femme, en référence notamment aux communautés qui seront chassées de leurs terres ou devront changer de mode de vie.

RFI