🇹🇩 Tchad : l’ancien Premier ministre Succès Masra interpellé à son domicile pour « incitation à la haine »

L’ex-Premier ministre tchadien et leader du parti d’opposition les Transformateurs, Succès Masra, a été arrêté à l’aube à son domicile. Il est accusé par le parquet d’« incitation à la haine » et de « complicité d’assassinat », après une attaque meurtrière dans le sud du pays.
Une arrestation soudaine à son domicile
Au Tchad, Succès Masra, ancien Premier ministre et président du parti d’opposition les Transformateurs, a été interpellé dans la matinée du vendredi 16 mai à son domicile de Ndjamena, dans le quartier Gassi. Selon ses proches, des hommes armés en uniforme ont forcé les portes de sa maison avant de l’emmener vers une destination inconnue. Aucune information officielle n’avait été communiquée dans l’immédiat aux membres de son parti présents sur place.
Le parti a dénoncé une arrestation illégale, « menée en dehors de toute procédure judiciaire connue », et a exigé la libération immédiate et sans condition de son président.
Des accusations graves du parquet
Quelques heures après l’interpellation, le procureur de la République Oumar Kedelaye a tenu une conférence de presse, affirmant que Succès Masra faisait l’objet d’une enquête pour « incitation à la haine », « complicité d’assassinat », « incendies volontaires » et « profanation de sépultures ». Ces accusations seraient liées à l’attaque meurtrière survenue le 14 mai dans le village de Mandakao, dans la région du Logone-Occidental, qui a fait 42 morts, majoritairement des femmes et des enfants.
Selon le parquet, des messages diffusés sur les réseaux sociaux auraient incité la population à prendre les armes contre d’autres citoyens. Le procureur n’a toutefois pas précisé si ces messages émanaient directement de Succès Masra, ni divulgué leur contenu.
Une interpellation controversée
D’après les Transformateurs, une vidéo de surveillance montre l’arrestation de leur leader vers 5h56 du matin. Celui-ci était seul chez lui au moment des faits. Les cadres du parti s’interrogent sur la légalité de l’opération et dénoncent une violation flagrante des droits civiques et politiques.
Une délégation du parti accompagnée d’avocats a pu rencontrer Succès Masra. L’un de ses vice-présidents, Djesada Ndolembaye, a affirmé que l’ex-Premier ministre a été surpris d’apprendre les charges qui lui sont reprochées. « Ce sont ses avocats qui les lui ont appris », a-t-il déclaré.
Le conseiller stratégique du parti, Ndigngar Djeguelmbaye, a pour sa part estimé que ces accusations sont infondées. Il appelle les militants à rester calmes et affirme que « jamais notre président n’a appelé à la haine ou à des confrontations communautaires ».
Un homme de paix devenu cible politique ?
Succès Masra, qui se revendique depuis toujours comme un partisan de la lutte pacifique, avait critiqué ouvertement le président Mahamat Idriss Déby Itno le 29 avril 2025. Il l’avait accusé de ne plus respecter l’esprit de l’accord de Kinshasa, signé pour encadrer la transition politique au Tchad, dénonçant des « changements cosmétiques » et l’influence persistante de « forces nuisibles ».
Il reste à ce stade impossible de déterminer si ces critiques récentes ont un lien direct avec son arrestation. Nommé Premier ministre en janvier 2024 après un exil d’un an et demi, Succès Masra avait quitté ses fonctions quelques mois plus tard, alternant discours critiques et appels au dialogue.
Alors que la justice affirme poursuivre ses enquêtes, l’opposition dénonce une répression politique et une tentative de museler une voix dissidente majeure dans le paysage politique tchadien.