Turquie: cinq ans après le coup d’État manqué, Erdogan a mis au pas les institutions
Ce 15 juillet en Turquie marque les cinq ans du coup d’État manqué qui avait visé le président Recep Tayyip Erdogan à l’été 2016, et provoqué la mort de 251 personnes, sans compter les décès du côté des putschistes. Depuis ce jour, les autorités accusent un prédicateur musulman exilé aux États-Unis, Fethullah Gülen, et traquent sans relâche ses fidèles dans le pays et à l’étranger.
Cette tentative de putsch a offert au président turc l’occasion de mettre au pas les institutions. Il y a un chiffre qu’on cite souvent et qui mérite d’être rappelé : près de 125 700 fonctionnaires turcs ont été limogés depuis le coup d’État manqué, sur simple décret-loi, pour des accusations de « liens avec le terrorisme », sans aucune autre explication, ni preuve. En plus des conséquences pour les fonctionnaires limogés, il a bien fallu les remplacer, avec des effets sur les institutions elles-mêmes, totalement mises au pas.
La justice a été l’un des domaines les plus touchés. Plus du quart des magistrats en poste à l’époque du putsch avorté ont été démis de leurs fonctions. Leurs remplaçants, et ceux qui restent, sont soumis à d’intenses pressions et à la menace de sanctions si leurs décisions déplaisent. Et ce qui vaut pour la justice vaut aussi pour la police, l’armée ou l’enseignement supérieur.
L’AKP ne détient plus la majorité absolue
Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 18 ans, a renforcé son contrôle sur les institutions. Il a aussi renforcé ses pouvoirs. La principale conséquence politique de ce coup d’État manqué est qu’il a scellé l’alliance entre le parti du président Erdogan, l’AKP, et le parti ultranationaliste, le MHP. Cette alliance lui a permis de faire adopter en avril 2017, par référendum, une réforme constitutionnelle qui a considérablement accru les pouvoirs du chef de l’État.
Cette réforme, apparemment, Recep Tayyip Erdogan ne s’en satisfait pas complètement, puisqu’il a promis une nouvelle Constitution pour l’année prochaine, que l’AKP rédige actuellement avec son allié MHP. Du côté de l’opposition, ce nouveau régime « hyperprésidentiel » et l’alliance avec l’extrême-droite se sont traduits par une répression toujours plus forte. C’est particulièrement le cas pour l’opposition de gauche pro-kurde, représentée par le parti HDP, dont des milliers de membres ont été arrêtés et qui risque la dissolution devant la justice.
Politiquement parlant, le putsch manqué de 2016 n’a pas renforcé pour autant l’assise politique du président turc. L’alliance avec le MHP en est la preuve : Recep Tayyip Erdogan ne gouverne plus seul. Sa base électorale s’effrite et l’AKP ne détient plus la majorité absolue au Parlement. Il a besoin d’un allié minoritaire pour faire voter ses lois et qui peut se vanter d’avoir porté son idéologie ultranationaliste au pouvoir. En face, l’opposition se renforce dans les sondages et semble relativement unie, même si l’on est encore loin d’une grande alliance des opposants incluant le parti pro-kurde.
À supposer que les prochaines élections de juin 2023 soient libres et régulières, rien n’est donc gagné pour Recep Tayyip Erdogan.
RFI