Me Too: en Chine, une employée d’Alibaba accuse l’un de ses supérieurs de viol

Me Too: en Chine, une employée d’Alibaba accuse l’un de ses supérieurs de viol

C’est l’un des sujets parmi les plus commentés sur les réseaux sociaux en Chine ce week-end. Une employée d’Alibaba accuse son supérieur de l’avoir violée dans le cadre d’un déplacement professionnel. L’enquête est en cour. Mais ces allégations, devenues virales, ont forcément un impact sur l’image du géant du e-commerce, déjà écornée pour certaines méthodes de management. Cela alors que l’opinion publique chinoise est de plus en plus sensible aux questions relevées par le mouvement Me Too.

Ce n’est pas seulement un viol supposé qui est mis sur la place publique, mais la dénonciation d’un système qui fait que les agressions sexuelles sont parfois passées sous silence. Quand la victime a raconté à son entreprise d’abord le harcèlement d’un client dans un karaoké et le fait que son supérieur ne prenne pas sa défense, puis le viol dont elle aurait été victime dans sa chambre d’hôtel, ses interlocuteurs, dit-elle, auraient tenté de bloquer son rapport. Courageusement, cette dernière a publié en son nom propre sur l’intranet de la compagnie le récit détaillé de ses accusations, qu’elle aurait également distribué sur des feuilles de papier au restaurant d’entreprise.

Misogynie sur le lieu de travail

La colère des employés du groupe a été immédiate, raconte la journaliste Mengyu Dong. Ces allégations ont déclenché un fort soutien des employés du groupe vis-à-vis de leurs collègues, mais aussi des échanges animés sur la culture d’entreprise et plus généralement sur la misogynie que l’on peut rencontrer sur les lieux de travail.

Après la plainte pour harcèlement sexuel contre un présentateur de la télévision centrale de Chine cet hiver, après surtout les accusations de viols reprises par les médias d’État à l’encontre d’une star de la pop la semaine dernière, c’est de nouveau l’entreprise qui est accusée de ne pas avoir su empêcher cette supposée agression. Le récit de la victime indiquant que l’agresseur présumé aurait déclaré qu’il redoutait que « ce genre de chose n’arrive », compte tenu de « la nature du travail » et qu’il « embauchait moins de femmes pour cette raison ».

Ce n’est pas la première fois que ces arguments sont utilisés par des hommes qui affirment avoir peur d’être accusés de violences sexuelles en travaillant avec le genre opposé. Cette « double peine » à l’encontre des femmes, victimes de harcèlement et exclues des déplacements professionnels, qui se pose peut-être encore une plus dans une Asie du Nord-Est ou certaines signatures de contrats sont précédées de soirées très arrosées avec les clients. En Corée du Sud il y a quelques années, certains managers affirmaient déjà ne plus vouloir communiquer avec leurs employées que par messagerie.

Me Too dans l’entreprise  

L’enchaînement qui mènent à ce type de harcèlement ou d’agression n’a pourtant rien à voir avec le travail entre femmes et hommes, mais plutôt à « l’impunité ressentie par certains prédateurs », lit-on dans les commentaires. Les faits se seraient déroulés, selon la plaignante, dans la nuit du 27 juillet dernier lors d’un voyage d’affaire à Jinan sur la côte est de la Chine. Le 2 août elle serait rentrée à Hangzhou, le siège d’Alibaba, et aurait été empêchée de raconter son histoire pendant plusieurs jours, rapporte encore Mengyu Dong.

En attendant le résultat de l’enquête interne et devant le scandale suscité par ces révélations, le présumé agresseur a été suspendu samedi ainsi que deux superviseurs et deux responsables des ressources humaines. Quel que soit le résultat de l’enquête, c’est un nouveau coup dur pour l’image d’Alibaba dont les méthodes managériales avaient déjà été écornées au moment des révélations sur le rythme de travail « 9-9-6 » – 9h du matin à 9h du soir, 6 jours par semaine – auquel seraient astreints une partie des jeunes salariés du secteur de la high tech.

Afin d’apaiser le ressentiment de certains employés du groupe, le PDG d’Alibaba aurait demandé aux RH de s’excuser et appelé l’entreprise à travailler avec les policiers chargés de l’enquête. Cette nouvelle potentielle affaire Me Too est en effet le troisième sujet le plus commenté sur le réseau Sina Weibo ce week-end. Si les faits étaient avérés, elle pourrait avoir un impact important dans les entreprises en Chine.

RFI