Les manifestations en Guinée ont fait au moins neuf morts

Les manifestations en Guinée ont fait au moins neuf morts

L’opposition et la société civile militent depuis des mois contre un projet de nouvelle Constitution, évoqué par le pouvoir, qui permettrait à Alpha Condé, 81 ans, de se présenter à la fin de 2020 pour un troisième mandat.


La communauté internationale s’inquiète de « l’escalade de la tension ». Les manifestations, qui agitent la Guinée depuis lundi, ont fait environ neuf morts, « dont huit dans notre capitale, ainsi que de nombreux blessés », a déclaré, mercredi 16 octobre, le ministre de l’administration du territoire, le général Bouréma Condé. Les autorités avaient jusqu’ici confirmé seulement la mort d’un habitant de Conakry et d’un gendarme.Lire aussi  Guinée : au moins un mort pendant la mobilisation contre un 3e mandat d’Alpha Condé

Ces manifestations « non autorisées » ont « engendré des conséquences tragiques », a commenté le ministre, selon qui le « calme est revenu sur la quasi-totalité du territoire », même si les forces de maintien de l’ordre « s’évertuent à normaliser la situation dans les zones où des échauffourées persistent ».

L’opposition et la société civile militent depuis des mois contre un projet de nouvelle Constitution, évoqué par le pouvoir, qui permettrait à Alpha Condé, 81 ans, de se présenter à la fin de 2020 pour un troisième mandat présidentiel. Leur nombre est actuellement limité à deux.

Les manifestations se poursuivent

Quelques commerces ont timidement rouvert à Matoto, l’une des cinq communes de la capitale, mais les manifestations se poursuivaient dans d’autres quartiers et d’autres communes, comme Hamdallaye, Cosa, Koloma, Lambanyi et Kobaya. « Ces jeunes sont fous, nous on est fatigués, nous voulons qu’ils rentrent chez eux, mais impossible », a déclaré une source policière.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de partis d’opposition, de syndicats et d’associations de la société civile, à l’origine des manifestations, a dénombré 10 morts côté manifestants, 70 blessés par balle et de près de 200 arrestations. L’Agence France-Presse (AFP) a, quant à elle, établi un bilan de sept tués chez les manifestants, en se fondant sur les témoignages des proches et de médecins.

Huit des dirigeants du FNDC interpellés samedi ont comparu dans une ambiance tendue devant un tribunal de Conakry. Ils ont dénoncé des traitements inhumains et dégradants au cours de leur garde à vue. Ils encourent de trois à cinq ans de prison pour avoir tenu des propos de nature à troubler l’ordre public en appelant à manifester, selon l’accusation. Leur défense a annoncé qu’elle plaiderait « non coupable » lors de la reprise de leur procès vendredi.

A Kindia (ouest), le procureur a requis six mois d’emprisonnement à l’encontre de sept manifestants pour « participation à un attroupement interdit »« On continue d’assister à de nombreuses incursions des forces de l’ordre dans les domiciles des citoyens, où des femmes ont été agressées physiquement et verbalement et leurs marmites de riz renversées », a dénoncé le FNDC.

« Action de déstabilisation de l’Etat »

Le gouvernement assure que les forces de sécurité ne font pas usage d’armes à feu et dénonce la diffusion d’« images montées de toutes pièces », en allusion à des vidéos présentées comme reflétant des exactions des services de maintien de l’ordre. Il estime que l’appel à manifester constitue en réalité « une action de déstabilisation de l’Etat (…) et une sérieuse menace pour la sécurité nationale ».

« Les innombrables intimidations du pouvoir doivent cesser, elles ne nous feront pas abandonner le combat pour la démocratie », a rétorqué le chef de l’opposition politique, Cellou Dalein Diallo.

Ces tensions, dans ce pays à la stabilité incertaine et pauvre malgré ses importantes ressources minières, alarment la communauté internationale. « L’insuffisance de dialogue (…) provoque une escalade de la tension avec des recours à la violence, susceptible de porter gravement atteinte aux acquis démocratiques », ont conjointement averti les représentants à Conakry des Nations unies (ONU), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la France, notamment.

« Nous appelons tous les acteurs à renouer le dialogue » et à « faire preuve de calme et de retenue en bannissant tout recours à la violence ou un usage disproportionné de la force », ont-il dit, en suggérant qu’une « éventuelle libération rapide des personnes détenues de façon préventive serait de nature à aider à l’apaisement ».