La procédure de destitution de Donald Trump en quatre questions

La procédure de destitution de Donald Trump en quatre questions

Aux États-Unis, la Chambre des représentants à majorité démocrate a approuvé jeudi l’enquête en vue d’une procédure de destitution contre Donald Trump. Comment fonctionne l’”impeachment” et que risque le président américain ? Éléments de réponse.

La Chambre des représentants a approuvé, jeudi 31 octobre, l’enquête en vue d’une procédure de destitution contre Donald Trump, la propulsant dans une nouvelle phase publique.

Le président américain peut-il être destitué ? Comment s’organise ce processus ? Nos réponses à des questions clés pour comprendre les enjeux de cette procédure exceptionnelle aux États-Unis.

1 – Qu’ont voté les députés ce jeudi ?

La procédure de destitution engagée contre le président des États-Unis est entrée dans une nouvelle phase avec un premier vote au Congrès. La Chambre des représentants, aux mains des démocrates, s’est prononcée jeudi 31 octobre en séance plénière en faveur d’une poursuite de la procédure contre le président Donald Trump.

Pour rappel, la procédure de destitution, prévue par l’article 2 section 4 de la Constitution américaine, permet de juger et de destituer un président (ou également le vice-président, des membres des cabinets ou des juges fédéraux…) qui se serait rendu coupable de “trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs”, cette dernière expression n’étant pas définie précisément.

Le texte voté, l’affaire quitte le domaine politique pour revêtir un cadre juridique. Concrètement, en votant la résolution, les membres de la Chambre basse ont donné un cadre formel aux investigations et autorisent l’organisation d’auditions publiques, après cinq semaines d’interrogatoires à huis clos. Les élus pourront eux-mêmes interroger publiquement les témoins.

Grâce à ce texte, “les Américains vont pouvoir entendre en direct comment le président a abusé de ses pouvoirs”, a tweeté la chef des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, à l’origine de la procédure.

Le vote du texte est la première occasion de mesurer le soutien à la procédure de destitution dans les rangs démocrates et de voir si certains républicains sont prêts à lâcher le président américain. “L’enjeu de ce vote est de voir combien d’élus républicains de la Chambre voteront pour l’enquête en ‘impeachment’ de Trump, relève Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire au lycée Carnot, sur son compte Twitter. Pour l’instant, aucun ne s’est signalé en ce sens. Pour comparaison, le 8 octobre 1998, 31 représentants démocrates votaient POUR l’enquête en #impeachment contre #Clinton.”

Jeudi, la résolution donnant un cadre formel aux investigations a été adoptée par 232 voix contre 196. Les élus se sont donc très largement conformés aux consignes de leurs partis.

La suite ? Si l”impeachment” est approuvé par la Chambre basse après les auditions, le Sénat, à majorité républicaine, devra organiser le “procès” de Donald Trump sur son éventuelle destitution. Mais en l’état actuel, une décision du Sénat allant dans le sens des démocrates paraît peu probable.

2 – Que reproche-t-on à Donald Trump ?

Les démocrates accusent le locataire de la Maison Blanche d’avoir abusé de son pouvoir à des fins personnelles. Certains témoins affirment que, depuis des mois, des proches du président, à commencer par son avocat personnel Rudy Giuliani, ont œuvré pour que l’Ukraine ouvre une enquête pour corruption sur Joe Biden et les affaires de son fils Hunter dans le pays. Une manœuvre destinée, selon les opposants à Donald Trump, à salir Joe Biden, bien placé pour affronter le président sortant lors de la présidentielle de 2020.

Les démocrates ont initié la procédure de destitution le 24 septembre, lorsqu’un lanceur d’alerte est sorti de son silence. Celui-ci a préalablement saisi sa hiérarchie après avoir entendu l’appel téléphonique du 25 juillet, entre Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Lors de l’échange, le président américain demande à son homologue ukrainien d’enquêter sur les Biden.

Parallèlement, une aide militaire destinée à l’Ukraine a été bloquée un peu plus tôt dans le mois. Les démocrates cherchent à savoir si le président s’en est servi comme moyen de pression. Car l’ordre de geler cette aide “a été donné par le président”, a affirmé mercredi à la Chambre Catherine Croft, une experte de l’Ukraine au département d’État.

Depuis, les parlementaires de l’opposition ont mené une dizaine d’auditions à huis clos et réclamé de nombreux documents. Le 29 octobre, le lieutenant-colonel Alexander Vindman, ancien combattant en Irak, décoré pour ses faits d’armes, a livré un témoignage à charge contre Donald Trump. D’autres témoignages accablant le chef d’État américain ont suivi.

3 – Comment Donald Trump se défend-il ?

La meilleure défense, c’est l’attaque. Donald Trump accuse depuis le début de la procédure les démocrates de mener “la plus grande chasse aux sorcières de l’histoire américaine” et d’exercer un “harcèlement présidentiel”. Selon lui, les députés démocrates, obsédés par la procédure d’impeachment, paralysent le pays et Joe Biden est “corrompu”, tout comme les médias qui couvrent l’affaire. Le président a, en outre, intimé aux membres de l’administration de ne pas répondre aux convocations du Congrès.

À ce stade de la procédure, “la participation du président et de ses avocats est autorisée”, selon la commission du Règlement. La défense de Donald Trump peut ainsi demander de nouveaux témoignages ou des documents, procéder à des contre-interrogatoires et soumettre des objections.

“Si le président refuse de coopérer aux requêtes du Congrès”, le texte prévoit que le président de la commission judiciaire Jerry Nadler “a toute discrétion pour imposer les réponses appropriés, y compris en refusant les demandes du président et de ses avocats”, précise le document.

4 – Que risque Donald Trump ?

Le scénario d’une destitution est peu probable. Même si la Chambre vote en faveur d’un “impeachment” du président, il doit encore être voté lors du procès au Sénat. Par le passé, les chefs d’État Andrew Johnson (en 1868) et Bill Clinton (en 1998 dans l’affaire Lewinski), tous deux “empêchés” par la Chambre, ont été acquittés par le Sénat et sont restés en fonction jusqu’à la fin prévue de leur mandat. Quant à Richard Nixon, inquiété en 1974, a préféré démissionner avant d’être soumis au verdict du Congrès.

À ce jour, les républicains disposent de 53 sièges sur les 100 que compte le Sénat. Pour atteindre la majorité de 67 votes requise pour destituer le président, il faudrait donc que 20 élus conservateurs se retournent contre leur président. Or, aucun sénateur républicain n’a encore indiqué qu’il tirerait contre son propre camp.

Les démocrates ont peut-être davantage à perdre dans cette affaire. L’”impeachment” est une procédure très impopulaire. Et à un an de l’élection présidentielle, les démocrates prennent le risque d’entacher leur image. À l’issue de cette procédure, qui peut prendre de longs mois, le parti de l’âne peut donner l’image d’un mouvement politique qui n’a rien à proposer d’autre qu’une politique anti-Trump. “Cette procédure n’est pas un cadeau pour les démocrates, explique à France 24 Nicole Bacharan, auteure du livre “Le Monde selon Trump”. Ils ont repoussé la procédure autant qu’ils ont pu et ont été obligés de la lancer sous peine d’être accusés de ne pas jouer leur rôle d’opposants.”

Donald Trump, qui souhaite briguer un second mandat, a d’ailleurs estimé que cette procédure était très positive pour lui. “S’il n’est pas destitué, il sortira renforcé”, conclut l’historienne.

Source : France24