Derek Chauvin condamné: «L’image est plus importante que le nombre d’années de prison»
L’ancien policier blanc Derek Chauvin a été déclaré mardi 20 avril coupable du meurtre du quadragénaire noir George Floyd. Cet homicide était devenu le symbole des brutalités policières contre les minorités aux États-Unis. Entretien avec Paul Schor, maître de conférences en histoire et civilisation américaines à l’université Paris-Diderot.
RFI : Ce verdict constitue-t-il un tournant ?
Paul Schor : Ce dénouement judiciaire est un évènement. Le verdict est très important car il est très rare qu’un policier responsable de la mort d’une personne noire aux États-Unis soit condamné pour meurtre. Certains agents ont perdu leur emploi, mais une condamnation aussi claire est un événement. Beaucoup espèrent que cela marquera le début d’un changement.
La peine de Derek Chauvin ne sera connue que dans huit semaines. Il encourt entre 12 et 40 ans de prison. Le chiffre a-t-il son importance ?
La peine sera de toute façon lourde, même si elle n’est que de 12 ans de prison. Douze ans, c’est très inhabituel pour un policier dans l’exercice de ses fonctions. De plus, pour la plupart des gens qui ont suivi le procès aux États-Unis, l’image du policier à qui l’on passe les menottes dans le tribunal et qui part directement en prison compte plus que la peine qui sera prononcée dans quelques semaines.
Le président et la vice-présidente ont téléphoné mardi à la famille de George Floyd. Les attentes politiques sont énormes ?
Joe Biden a gagné la primaire grâce à sa popularité dans l’électorat afro-américain. Ce sont plutôt les autres qu’il faudra convaincre, en particulier une partie des Blancs américains. Il est très intéressant qu’il se soit prononcé aussi clairement, beaucoup plus qu’aucun président avant lui. C’est assez inhabituel.
Le George Floyd Justice in Policing Act a été adopté par la Chambre des représentants sans les voix des républicains. Ce texte est maintenant devant le Sénat. Que propose-t-il et a-t-il une chance d’être voté ?
Le texte propose notamment de généraliser la pratique des caméras portées par les policiers au moment des arrestations. Cela remettrait aussi en cause l’immunité très élevée dont ils bénéficient. Les poursuivre et les condamner serait plus facile. Beaucoup de procès se terminent à ce jour par des acquittements. Le texte créerait aussi un registre national des policiers renvoyés pour mauvais traitements. Aux États-Unis, la police est très décentralisée, des polices municipales aux polices de comtés. Souvent, quand un policier est renvoyé, il est embauché dans un autre service de police.
Le problème auquel est confronté Joe Biden, c’est sa majorité très courte au Sénat. La police est aussi devenue une question politique partisane. Une partie seulement des démocrates sont en faveur d’une réforme, et tous les républicains y sont opposés, contrairement à l’époque de la lutte pour les droits civiques dans les années 60 où une majorité des deux partis étaient d’accord pour voter de grandes réformes. Donc peut-être que cette loi passera au Sénat, ce serait une étape importante. Mais cela ne suffira pas à transformer la culture des services de police aux États-Unis.
RFI