🇸🇳 Élections locales au Sénégal: un scrutin aux allures de test national

🇸🇳 Élections locales au Sénégal: un scrutin aux allures de test national

Dernier jour de campagne ce vendredi 21 janvier 2022 au Sénégal avant les élections municipales et départementales de dimanche. Près de 6,7 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. C’est le premier scrutin depuis la réélection du président Macky Sall en février 2019. C’est aussi le premier depuis les émeutes meurtrières de mars 2021. Un scrutin test, pour la majorité comme pour les différentes coalitions de l’opposition.

Casquettes siglées « ADS » sur la tête, les militants de la majorité accueillent leur candidat au QG du parti présidentiel. « ADS », comme Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé. Son défi : reconquérir la capitale, contrôlée par l’opposition. Alors cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? « Oui, je peux vous dire qu’on a toutes les chances de faire en sorte que Dakar soit gérée par un maire de Benno Bokk Yakaar (la coalition présidentielle), un maire qui prend en charge les réalités intrinsèques des Dakaroises et des Dakarois, mais pas un maire qui veut utiliser Dakar pour accéder au pouvoir central. »

Face à lui, six autres candidats, dont la maire sortante Soham el-Wardini, et le bouillonnant Barthélémy Dias, investi par la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi. Lors d’un grand meeting mercredi soir, il a accusé le pouvoir de chercher à « confisquer les élections » : « On s’en fout du fichier (électoral), on s’en fout de la publication des résultats, on s’en fout de la Céna (la Commission électorale), on s’en fout du préfet de Dakar, on s’en fout du gouverneur de Dakar » (…). « Il n’est pas question d’attendre des résultats préfabriqués. » Dimanche, a-t-il assuré, « je serai dans mon bureau à 22 heures en tant que maire de Dakar. »

« De nouveaux leaders »

Au-delà de la bataille de Dakar, d’autres villes seront âprement disputées, comme Ziguinchor en Casamance, Saint-Louis au Nord, Kaolack, ou encore Thiès. Pour Jean Charles Biagui, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ces élections ont une importance « capitale » : « Ces élections, même si elles sont locales, ont un caractère national très marqué, à pratiquement deux ans de la prochaine élection présidentielle. La seconde raison, c’est que nous avons dans la configuration politique du Sénégal de nouveaux leaders, une certaine opposition qui émerge, qui va utiliser ces élections locales comme un tremplin. On verra, à travers les résultats de ces élections, la force ou les faiblesses de cette opposition montante. »

Principale figure de cette opposition, Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019, candidat à la mairie de Ziguinchor. Est-ce qu’il joue gros ? « Il est vrai que pour Sonko, il s’agit d’un test grandeur nature », répond Jean-Charles Biagui, « parce que Ziguinchor est son bastion naturel, Ziguinchor constitue une citadelle presque imprenable depuis longtemps. » Abdoulaye Baldé, le maire sortant, est en place depuis 2009, et candidat à sa réélection. « Il est indéniable que la prise de Ziguinchor marquerait un tournant. »

Le point sur les rapports de force

La campagne, marquée par des incidents, s’est tout de même déroulée « correctement » selon Issa Sall, membre de la Céna, la Commission électorale nationale autonome. Il se dit « serein » : « Nous sommes prêts à mener notre mission de contrôle et de supervision du scrutin », assure-t-il. Avec un nouveau système, « pour les élections municipales, loi a changé », rappelle Issa Sall, « le maire est élu au suffrage universel direct, et non plus par le conseil municipal. »

Ces élections locales précèdent les législatives, annoncées pour le mois de juin, puis la présidentielle prévue en 2024. Alors les résultats feront-ils déterminants « pour trancher le débat sur la candidature de Macky Sall à un troisième mandat », comme l’a affirmé son directeur de cabinet, Mahmoud Saleh ? Voilà ce que répondait le chef de l’État le mois dernier lors d’un entretien accordé à RFI et France 24 : « Cela a été une grosse maladresse. Ça n’a aucun lien. Comment voulez-vous, dans une démocratie, qu’un président de la République, élu au suffrage universel, puisse dépendre des résultats des collectivités, des municipalités. Qu’il y ait des maires de mon côté ou pas, en quoi cela peut impacter mon mandat ? Cela n’a aucun lien ! »

Il n’empêche, les élections de dimanche permettront de faire le point sur les rapports de force politiques. Un nouveau Premier ministre devrait être nommé après le scrutin.

Dans la capitale et sa banlieue, les caravanes des candidats sillonnent les quartiers, le plus souvent en fin de journée, sonorisation au maximum. Au risque d’agacer certains riverains et automobilistes bloqués.

RFI