Après avoir dit être entrée dans la bande de Gaza, l’armée israélienne se rétracte

Après avoir dit être entrée dans la bande de Gaza, l’armée israélienne se rétracte

Après avoir annoncé la présence de ses soldats dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a fait marche arrière vendredi, évoquant un « problème de communication en interne », à l’heure où le bilan de ses frappes dans ce territoire palestinien cette semaine franchit le seuil des 100 morts.

« L’aviation israélienne et des troupes au sol mènent actuellement une attaque dans Gaza », a d’abord écrit l’armée dans un bref message. Interrogé par l’AFP, le porte-parole de l’armée, Jonathan Conricus, a confirmé que des soldats étaient entrés « dans » la bande de Gaza contrôlée par les islamistes du Hamas, sans préciser leur nombre, ni la durée, ni l’étendue de l’opération.

Puis, deux heures plus tard, le porte-parole de l’armée israélienne a émis une « clarification » pour dire « qu’il n’y avait actuellement pas de troupes dans la bande de Gaza ». Interrogé à nouveau, le porte-parole de l’armée a expliqué cet imbroglio apparent par un « problème de communication en interne » et que des troupes bombardaient Gaza mais de l’extérieur du territoire.

Peu après minuit, des groupes armés palestiniens dans la bande de Gaza ont tiré un nouveau barrage de roquettes vers le sud d’Israël, limitrophe de l’enclave palestinienne.

L’armée avait massé jeudi chars et véhicules blindés le long du territoire palestinien. Et le ministère de la Défense a donné le feu vert à l’armée pour mobiliser au besoin des milliers de réservistes.

Dans la nuit, l’aviation israélienne a poursuivi ses bombardements de sites du Hamas, alors que des centaines d’habitants palestiniens ont dû quitter leurs maisons précipitamment pour fuir les frappes, selon des témoins et des journalistes de l’AFP sur place.

Depuis le début de ce nouveau cycle de violences lundi, 103 Palestiniens, dont 27 enfants, ont été tués dans la bande de Gaza, et 580 blessés, selon un dernier bilan du ministère local de la Santé. En Israël, sept personnes, dont un enfant de six ans et un soldat, ont péri.

Des vols vers Tel-Aviv suspendus

« Ça prendra du temps, mais nous allons restaurer la quiétude en Israël », a déclaré le Premier ministre Benyamin Netanyahu, qui s’est rendu jeudi sur le site d’une batterie du bouclier antimissile « Dôme de fer » dans le centre du pays. D’après l’armée, environ 90% des quelque 1 600 roquettes lancées depuis Gaza ont été interceptées par ce système.

Appelant les compagnies aériennes à suspendre leurs vols vers Israël, le Hamas a annoncé avoir tiré une roquette d’une portée de 250 km vers le deuxième aéroport d’Israël, dans le Sud, vers lequel les autorités aéroportuaires ont détourné les vols à destination de Tel-Aviv en raison des tirs. Plusieurs compagnies ont d’ailleurs suspendu leurs vols vers Tel-Aviv.

Drones

Le conflit entre Israël et le Hamas a été déclenché lundi dans le sillage des vives tensions et des affrontements pendant plusieurs jours à Jérusalem-Est, secteur palestinien de la Ville sainte occupé par Israël, dus principalement aux menaces d’expulsion de familles palestiniennes au profit de colons juifs.

Les violences à Jérusalem-Est avaient culminé lundi avec des accrochages entre Palestiniens et policiers israéliens sur l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam, qui ont fait des centaines de blessés palestiniens. Le Hamas avait alors menacé de frapper Israël.

Depuis lundi, l’armée israélienne a indiqué avoir mené 600 frappes sur la bande de Gaza : son aviation a frappé des positions du Hamas et ses chars déployés à Sdérot (sud) ont tiré des obus sur l’enclave. Selon le Hamas, l’aviation israélienne a visé des immeubles abritant des logements et de locaux de médias, qui ont été entièrement détruits. Le Hamas a indiqué avoir tiré des « drones kamikazes ». L’armée a dit en avoir abattu un et deux autres drones chargés d’explosifs ont été trouvés et désarmés.

Ce conflit est accompagné d’une escalade entre Arabes et Juifs dans plusieurs villes mixtes d’Israël, un niveau de violence jamais atteint depuis des décennies, selon le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld.

Lynchage

Près de 1 000 membres de la police des frontières ont été appelés en renfort dans ces villes, théâtres d’émeutes depuis mardi avec des heurts et des échanges de coups de feu qui se poursuivaient jeudi. Et plus de 400 personnes, Juifs et Arabes, ont été arrêtées depuis lundi.

Mercredi, des groupes d’extrême droite israéliens ont affronté dans des villes forces de sécurité et Arabes israéliens, les descendants des Palestiniens restés sur leur terre à la création d’Israël en 1948.

Diffusées en direct à la télévision, les images du lynchage d’un homme considéré Arabe par ses agresseurs, près de Tel-Aviv, ont choqué. Elles montrent un homme sorti de force de sa voiture puis roué de coups par une foule, jusqu’à ce qu’il perde connaissance.

Réunion du Conseil de sécurité dimanche

Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra une réunion virtuelle publique sur le conflit israélo-palestinien dimanche à 14h00 TU, ont indiqué jeudi soir des diplomates. Cette réunion, initialement prévue vendredi, a été demandée par la Tunisie, la Norvège et la Chine. Les États-Unis, qui avaient bloqué la session de vendredi et envisagé une réunion en début de semaine prochaine, ont accepté qu’elle soit avancée à dimanche, selon les mêmes sources.

En coulisses, l’ONU, le Qatar et l’Égypte s’activent pour faciliter une médiation. Et les États-Unis ont annoncé l’envoi d’un émissaire en Israël et dans les Territoires palestiniens pour exhorter à la désescalade. 

La dernière confrontation entre Israël et le Hamas en 2014 a duré 50 jours, ravagé le territoire et fait au moins 2 251 morts côté palestinien, en majorité des civils, et 74 côté israélien, presque tous des soldats.


Poutine lance un appel au calme

En Russie, Vladimir Poutine lance un appel au calme et à l’arrêt des combats entre Israéliens et Palestiniens, appel lancé à la suite d’un entretien avec Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Selon le Kremlin, les deux hommes ont rappelé leur attachement au principe d’une solution à deux États. Quant à la diplomatie russe, elle demande une réunion d’urgence du quartette pour le Proche-Orient.

Il faut mettre un terme à l’escalade meurtrière qui se déroule entre Israéliens et Palestiniens : c’est en substance le message délivré par le Kremlin à l’issue d’un entretien, en visioconférence, entre Vladimir Poutine et Antonio Guterres. Selon le communiqué publié par le Kremlin, les deux hommes ont constaté « que la première des priorités était la fin des violences des deux côtés et la sécurité de la population civile ».

Depuis que le conflit s’est embrasé entre Israéliens et Palestiniens, la Russie a multiplié les appels au calme, en tâchant d’adopter le discours le plus équilibré possible. En début de semaine, le Kremlin a d’ailleurs pris ses distances avec les déclarations jugées trop favorables au camp palestinien, proférées par Ramzan Kadyrov le dirigeant tchétchène. Moscou entretient de bonnes relations à la fois avec l’État hébreu et avec les dirigeants palestiniens, une position qui pourrait lui permettre de jouer un rôle de médiateur – c’est d’ailleurs ce qu’a estimé ce jeudi, l’ambassadeur d’Israël en Russie, interrogé par l’agence Interfax.

Mais la Russie dispose de leviers somme toute limités pour peser réellement sur le conflit. Pour l’instant, outre la multiplication de ces appels au calme, la diplomatie russe concentre ses efforts sur la réactivation du quartette pour le Proche-Orient, ce groupe de médiateurs comprenant la Russie, les États-Unis, l’ONU et l’Union européenne.

Les tensions israélo-palestiniennes font tâche d’huile

Les tensions actuelles au Moyen-Orient ne suscitent pas des réactions spontanées que sur place. A l’étranger également, on se solidarise avec Israël ou avec les Palestiniens. C’est aussi le cas en Allemagne où des manifestations hostiles à l’État hébreu, des violences contre des synagogues et des drapeaux israéliens brûlés ont provoqué des condamnations de responsables politiques comme de la communauté juive.


« Scheiss Juden/Juifs de merde » : le conseil central des juifs d’Allemagne n’a pas hésité à poster sur Twitter la vidéo d’une manifestation près d’une synagogue de Gelsenkirchen, dans le bassin de la Ruhr, mercredi soir.  L’organisation commente : « C’est de l’antisémitisme pur, rien d’autre » alors que la police avait tout d’abord parlé de « manifestations anti-israéliennes ». Ailleurs, des drapeaux de l’État hébreu ont été brûlés ; à Berlin, celui que la CDU avait hissé par solidarité avec Israël devant son siège a été volé, et depuis remplacé.
Le ministre des Affaires étrangères allemand a déclaré que son pays devait assurer une protection « sans faille » des synagogues. Heiko Maas a appelé la population à ne pas accepter que « des personnes juives soient rendues responsables des événements au Moyen-Orient ».
Comme à chaque fois que cette région s’enflamme, les tensions s’exportent dans d’autres pays et suscitent manifestations et parfois violences. En Allemagne, la situation est particulièrement sensible car la solidarité avec Israël fait partie de l’ADN de la RFA, après la Shoah perpétrée par les nazis. Les dérapages antisémites suscitent immédiatement des protestations et réveillent les peurs jamais disparues de la communauté juive.