À Jakarta, le combat juridique sans fin de citoyens contre la pollution de l’air

À Jakarta, le combat juridique sans fin de citoyens contre la pollution de l’air

Voici deux ans que des citoyens de Jakarta, aidés par des associations, ont porté plainte contre les autorités pour inaction contre le fléau de la pollution atmosphérique. L’ultime verdict déjà sept fois repoussés, devait avoir lieu aujourd’hui, mais a été une nouvelle fois ajournée. Pourtant, note les parties civiles, la pandémie rend le problème de la pollution encore plus dangereux. 

Elle représente des Indonésiens qui portaient déjà des masques avant même que l’on ne parle de Covid-19, pour se protéger de l’air pollué. Ce jeudi, l’avocate Ayu Eza Tiara a dû leur annoncer qu’une fois encore il faudrait attendre. Pour la huitième fois, le verdict du procès qu’ils intentent aux autorités est ajourné. Si l’administration invoque, pour se justifier de ces reports sans fin, la pandémie de Covid-19, des problèmes administratifs, ou bien encore le manque de temps pour prendre connaissance du dossier, du côté des plaignants, le sentiment d’extrême urgence progresse. « Huit reports pour la lecture du verdict d’un procès, c’est presque du jamais vu, pour nous qui accompagnons des affaires publiques comme celle-ci, rapporte Ayu Eza Tiara. Pourtant nous sommes en pleine pandémie, et les problèmes de santé publique devraient être au cœur des diverses politiques gouvernementales, notamment la pollution de l’air ».

Pour Yuyun Ismawati à la tête de l’ONG Nexus3 Foundation, qui est aussi partie civile, la pandémie rend même le problème de pollution encore plus urgent. « Les chercheurs du monde entier ont montré que la pollution atmosphérique aggrave le risque d’hospitalisation suite au Covid-19, rappelle-t-elle. Nos poumons sont en première ligne depuis le début de la pandémie. Les personnes souffrant de problèmes respiratoires doivent solliciter encore plus leurs poumons. Et refuser de contrôler la pollution atmosphérique, c’est faire souffrir encore plus les survivants du Covid-19, dont les poumons sont déjà affectés ».

Cinq ans et demi d’espérance de vie en moins

D’après une étude tout juste sortie, les habitants de Jakarta perdraient cinq ans et demi d’espérance de vie à cause de la pollution atmosphérique. Et alors que l’Indonésie a connu sa première récession depuis la crise financière asiatique en 2020, que le système de santé est proche de la banqueroute, la pollution atmosphérique a un coût pas seulement humain mais aussi financier, rappelle Yuyun Ismawati. « En 2016 les soins nécessaires pour soigner les maux de la pollution atmosphériques ont coûté 3,9 milliards de dollars à Jakarta ». Depuis, la situation s’est encore aggravée. D’après le rapport IQair, les deux années suivantes, le niveau de particules fines a augmenté de 66%. 

Et si dans le monde la pandémie et ses mesures de confinements locaux, ont  pu dans de nombreuses villes améliorer la qualité de l’air, Jakarta demeure un contre exemple notable, notamment à cause des centrales à charbons de ces alentours. 

Bien conscient que les causes de ce fléau dépasse les frontières de Jakarta,, les plaignants de ce procès ne poursuivent donc pas seulement le gouverneur de la ville de 10 millions d’habitants, mais aussi celui de deux provinces voisines, le ministère de la Santé, de l’Intérieur, de l’Environnement ainsi que le président de la République indonésienne lui-même.

Ce dernier conserve depuis le dépôt de la plainte et malgré la pandémie, son plan titanesque pour sauver Jakarta qui agonise sous son air pollué tout en s’enfonçant dans l’eau : déplacer la capitale indonésienne sur l’île de Bornéo d’ici la fin de son mandat. Un projet inquiétant, sur le plan environnemental pour les observateurs, qui craignent qu’en déménageant la capitale de nouveaux problèmes surviennent sans réduire les anciens. 

RFI