🇷🇺 Comment dire « non » à Poutine sans déclencher la guerre ?

🇷🇺 Comment dire « non » à Poutine sans déclencher la guerre ?

Après la rencontre russo-américaine de lundi, la Russie et l’Otan ont rendez-vous mercredi à Bruxelles. Mais les exigences russes sont inacceptables pour l’alliance occidentale car elles recréeraient une division de l’Europe.

Pour comprendre ce qui se joue avec la Russie en ce moment, on peut s’arrêter sur une remarque du chef de la diplomatie russe, Sergei Lavrov, qui a suscité pas mal de réactions en Europe centrale et orientale. L’Otan, a-t-il dit, « est devenue un projet idéologique destiné à récupérer les orphelins de l’effondrement du Pacte de Varsovie et de l’Union soviétique ».

Le mot qui a fait bondir, c’est « orphelins » ! Pour Moscou, donc, la Pologne, la Hongrie ou l’Ukraine sont des enfants qui ont perdu leurs parents. « Cher Monsieur Lavrov, nous ne sommes pas orphelins de celui qui nous occupait, mais un pays libre de choisir son avenir », s’est exclamé un eurodéputé slovaque sur Twitter. 

L’échange est révélateur de l’attitude de la Russie de Poutine, qui regarde toujours l’Europe avec les yeux de l’URSS, l’idéologie en moins. Elle considère que ce qui s’est passé depuis la fin de l’URSS il y a trente ans ne compte pas, et que Moscou conserve un droit de regard sur son ancienne zone d’influence. C’est le sens de la négociation qui a commencé lundi à Genève entre Russes et Américains, sans résultats jusqu’ici ; et qui se poursuit aujourd’hui à Bruxelles entre la Russie et l’Otan, l’alliance militaire dirigée par les Américains.

Qu’y a-t-il à négocier ? C’est toute la question. Le chef de la délégation russe à Genève, Sergei Ryabkov, a déclaré qu’il était « impératif que l’Ukraine ne puisse jamais, absolument jamais, entrer dans l’Otan ».

Moscou a ainsi soumis deux projets de traités aux Américains, qui portent sur les « garanties de sécurité » exigées par Poutine. Mais celles-ci vont bien au-delà de l’Ukraine : une clause interdit par exemple de déployer des troupes et du matériel au-delà de ce qui existait à la date du 27 mai 1997. Pourquoi cette date ? Parce que ce jour-là la Russie et l’Otan avaient signé un accord pour un dialogue … qui n’a mené nulle part.

Mais un pays comme la Pologne a été admis au sein de l’Otan en 1999, et donc aurait sa souveraineté limitée a posteriori par ce traité s’il venait à être signé. Difficile à avaler pour l’alliance atlantique, ça serait accepter de recréer une division de l’Europe.

Pourquoi la Russie fait-elle ces demandes maintenant ? Tout comme ses amis chinois, Vladimir Poutine estime que le temps est venu de modifier les rapports de force : ils pensent que l’Occident est affaibli, les Européens trop divisés et Joe Biden absorbé par ses difficultés internes. Et il a choisi de faire pression autour de l’Ukraine avec son déploiement de forces, en sachant que personne n’a envie de « mourir pour Kiev ».

Tout l’enjeu, dans la série de rencontres diplomatiques de cette semaine, c’est de dire « non » à Poutine sans pour autant déclencher une guerre en Ukraine dont personne ne veut. 

Le paradoxe est que le président russe a, au passage, redonné une nouvelle raison d’être à l’Otan dont, souvenez-vous, Emmanuel Macron disait il y a deux ans à l’hebdomadaire « The Economist » qu’elle était « en état de mort cérébrale ». Si certains pouvaient rêver, comme de Vaclav Havel en 1989, d’une disparition de l’Otan parallèlement à celle du Pacte de Varsovie, personne en Europe aujourd’hui ne veut se priver d’une telle protection contre une Russie menaçante.

A tel point que la France a invité le Secrétaire Général de l’Otan, Jens Stoltenberg, à participer jeudi à Brest à un déjeuner informel des 27 ministres des Affaires étrangères et de la défense, manière de rassurer les Européens de l’Est des intentions françaises. L’Otan peut remercier Poutine pour l’invitation.

France Inter