🇧🇪 Comment un coton-tige usagé et un noyau de datte recraché ont fait tomber la cellule terroriste du 22 mars
“Vider les poubelles”. Cette mention figurait dans une liste de tâches rédigée par les terroristes qui ont frappé à Zaventem et Maalbeek le 22 mars. Mais ils ont oublié ce point crucial, donnant ainsi à la police judiciaire de nombreux indices ADN pour les identifier. C’est ce qui ressort de l’acte d’accusation du procès sur les attentats de Bruxelles, que Het Laatste Nieuws et VTM NEWS ont pu consulter. On apprend notamment comment Mohamed Abrini et ses coéquipiers se sont trahis en laissant derrière eux un coton-tige usagé et un noyau de datte recraché.
C’était un mardi matin, le 22 mars 2016, à 7h30. Un chauffeur de taxi bruxellois s’est arrêté à la porte d’un immeuble de la rue Max Roos à Schaerbeek, où trois hommes sont descendus portant de lourds sacs de voyage. Ils avaient commandé le taxi la nuit précédente. Destination: l’aéroport de Zaventem. Par la suite, le chauffeur de taxi a expliqué qu’il ne s’était pas senti à l’aise pendant le trajet. Le groupe empestait les produits chimiques et l’un d’entre eux tenait ouvertement des propos anti-occidentaux.
Ses trois passagers étaient Najim Laachraoui, Ibrahim El Bakraoui et Mohamed Abrini, alias “l’homme au chapeau”. À Zaventem, ils ont chargé leurs valises sur un chariot à bagages et sont entrés dans le hall de départ. Leurs valises contenaient des explosifs. Ibrahim El Bakraoui a fait exploser sa valise au guichet d’enregistrement de Delta Airlines. Il était 7h58 du matin. Onze secondes plus tard, Najim Laachraoui a fait exploser sa valise au guichet de Brussels Airlines. Mohamed Abrini, lui, a laissé sa valise piégée derrière lui et s’est enfui.
Les attaques à l’aéroport de Zaventem ont fait le tour des médias belges et du monde entier en quelques minutes à peine. Dès que le chauffeur de taxi a appris ce qui s’était passé à Zaventem, il s’est précipité au poste de police. 22 minutes après les explosions, il a raconté son étrange trajet en taxi jusqu’à l’aéroport aux policiers. Son témoignage allait s’avérer crucial pour l’enquête. Les enquêteurs disposaient déjà d’images vidéo montrant les terroristes présumés, et ils les ont montrées à l’homme. “Oui!” Le chauffeur de taxi en était sûr: il s’agissait bien de ses passagers. Il a donné à la police l’adresse où il avait récupéré les trois hommes: la rue Max Roos à Schaerbeek, au numéro 4.
Grâce aux informations du chauffeur de taxi, la police a pu fouiller la planque des terroristes le jour même: un appartement au cinquième étage avec deux drapeaux de l’État Islamique accrochés aux murs. Sur place, les détectives ont trouvé quinze kilos de poudre explosive TATP, 130 litres d’acétone et des détonateurs.
S’ils n’étaient pas directement certains d’avoir trouvé l’appartement des terroristes de Zaventem, ils l’ont été lorsque l’ADN de Mohamed Abrini, Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui a été retrouvé dans l’appartement, tout comme celui de Khalid, le jeune frère d’Ibrahim El Bakraoui. Le matin même, son corps avait été retrouvé dans la station de métro Maelbeek, où il avait fait exploser un sac à dos rempli d’explosifs à 9h11. Les deux attentats ont ainsi pu être officiellement liés, car l’ADN d’Oussama Krayem a également été retrouvé sur une brosse à cheveux dans l’appartement. Krayem aurait également dû se faire exploser ce matin-là dans le métro, probablement dans la station Schuman, plus fréquentée, mais il a renoncé à cette attaque et s’est enfui, tout comme Abrini. Les deux hommes ont été arrêtés un mois et demi après les attentats.
Les autres membres de la cellule terroriste du 22 mars ont pu être identifiés grâce à des indices ADN laissés dans l’appartement. Bilal El Makhoukhi avait mangé une datte dans l’appartement une semaine avant les attentats, son ADN a été retrouvé sur le noyau craché dans la poubelle. Hervé Bayingana Muhirwa a été démasqué parce qu’il s’était nettoyé les oreilles avec un coton-tige, qui a été retrouvé dans la même poubelle. D’autres terroristes ont également été arrêtés parce que leur ADN a été retrouvé sur des fermetures éclair, des tasses et des armes à feu.
Aucune trace de Salah Abdeslam n’a été trouvée dans l’appartement, mais les enquêteurs ont pu déduire son implication grâce à une lettre trouvée sur un ordinateur. Lors de sa tournée matinale dans la rue Max Rooss le 22 mars, un éboueur avait trouvé un ordinateur dans une poubelle publique, et il s’était rendu à la police avec. Il s’agissait en fait de l’ordinateur des terroristes, et il contenait une lettre d’Abdeslam dans laquelle il affirmait avoir “participé à la première attaque” et demandait de “terminer le travail avec les frères”.
Sur l’ordinateur, les enquêteurs ont également trouvé une liste de choses à faire, établie la veille des attentats:
– Vider les poubelles
– (…) Résoudre le “problème des armes”.
– Rédaction de notre Wassiya (testament)
Les terroristes avaient manifestement oublié de vider les poubelles, mais ils avaient bien rédigé leurs testaments. L’ordinateur contenait un message audio d’Ibrahim El Bakraoui, l’un des terroristes de Zaventem : “Maman, si tu entends ça, ça veut dire que je suis mort en martyr au nom d’Allah.” Il s’est également adressé à sa sœur Mariam, lui demandant d’arrêter de se maquiller et de se parfumer. “Tu ne peux te faire belle que pour ton propre mari.”
Grâce aux alertes du chauffeur de taxi et de l’éboueur, ainsi qu’aux indices ADN retrouvés dans l’appartement, les enquêteurs ont pu démasquer dix autres membres de la cellule terroriste de Bruxelles, en plus des trois terroristes qui sont morts dans les attaques. À partir d’octobre, ils seront jugés devant la cour d’assises de Bruxelles. La seule question est de savoir si tous les complices du 22 mars comparaîtront devant le jury. Car dans l’appartement, trois autres profils ADN ont été trouvés, mais ils ne correspondaient à aucun profil de la base de données de la police. Par conséquent, ces suspects pourraient ne jamais être identifiés et échapper à la justice.
Par 7sur7