🇺🇸 Un “Dôme doré” pour protéger les USA de la menace nucléaire: le grand projet de Trump est-il crédible?

🇺🇸 Un “Dôme doré” pour protéger les USA de la menace nucléaire: le grand projet de Trump est-il crédible?

En matière de défense, la ligne de Donald Trump est quelque peu difficile à saisir. D’un côté, le président des États-Unis veut réduire la facture, comme durant son premier mandat, alors que le budget militaire des États-Unis culminait à 850 milliards de dollars en 2024. Mais de l’autre, il a annoncé le financement d’un ambitieux plan de défense antimissile devant sanctuariser le territoire américain, y compris contre des armes atomiques. Mais est-ce seulement crédible?

Trump a en tête un système, un temps présenté comme un “Dôme de Fer”, par analogie avec le système de défense israélien, mais qui s’avère bien plus ambitieux.

À tel point que Trump semble l’avoir renommé selon sa couleur préférée, celle de l’or. “Veuillez noter que le ministère de la Défense a renommé ce programme de ‘Dôme de fer pour l’Amérique’ en ‘Dôme d’or pour l’Amérique’ [en anglais: Golden Dome for America]”, a écrit l’Agence américaine de défense antimissile (MDA) dans une récente demande d’informations à l’industrie.

Il faut dire que la comparaison avec le système israélien est peu pertinente. Il ne s’agit pas ici d’intercepter des vagues de roquettes et de missiles à moyenne portée, mais bien les pires menaces, comme les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM). Des projectiles capables de frapper à plus de 5.500 km, voire bien plus, après un passage dans l’espace, et qui transportent généralement plusieurs ogives nucléaires. De quoi libérer les enfers de l’autre côté du globe en quelques minutes.

Intercepter un missile en moins de 3 minutes

Il n’y a aucune certitude, à l’heure actuelle, que le tir d’un ICBM puisse être détecté et intercepté dans les premières minutes de son vol, avant qu’il ne relâche ses ogives. Mais selon Todd Harrison, expert en armement pour l’American Enterprise Institute, c’est possible, avec un réseau suffisamment dense d’intercepteurs toujours prêts à frapper, et placés en orbite à 500 km au-dessus de nos têtes.

Dans un entretien avec Forbes, il a estimé que 1.900 intercepteurs orbitaux permettraient d’abattre deux missiles intercontinentaux dans les trois minutes après leur lancement: un facteur d’un peu moins de 1.000 projectiles contre un missile. Tout échec dans cette phase d’interception spatiale nécessiterait de cibler individuellement chacune des ogives depuis le sol. Et comme chaque missile russe SS-18 en compte 10, il faudrait entre 8 et 10.000 intercepteurs sol-air, dans un grand barrage de la dernière chance.

Mais si la Chine ou la Russie devait attaquer le sol américain, ce serait vraisemblablement avec une attaque massive, dans l’espoir de détruire toute capacité de riposte équivalente. Harrison, en se basant sur le système théorique qu’il a mis au point, estime que l’augmentation de volume est linéaire. Si les États-Unis veulent se protéger d’une vague massive de 400 missiles, soit l’arsenal intercontinental estimé de la Russie plus celui de la Corée du Nord, alors il leur faudrait placer en orbite 200.000 intercepteurs prêts à servir.

200.000 intercepteurs dans l’espace

Techniquement, avec la baisse du coût des lancements spatiaux permise par des acteurs privés comme SpaceX, c’est possible. D’autant que Blue Origin devrait aussi rejoindre le marché, rappelle Forbes. Mais le coût estimé d’un tel programme se trouverait quelque part entre 370 et 1.200 milliards de dollars.

Selon Forbes, une telle enveloppe pourrait coûter moins cher qu’une modernisation de l’arsenal nucléaire américain, estimée, elle, à 1.700 milliards par la Federation of American Scientists en mai 2024. C’est sans doute le pari de Trump: réduire à terme le budget de la défense en optant pour un grand projet permettant des économies d’échelle. Et qui garantira des contrats juteux pour les industriels devenus ses alliés politiques, comme Elon Musk.

Le président américain a d’ailleurs déjà proposé à Vladimir Poutine une baisse conjointe des budgets militaires de Moscou et de Washington. Il espère que Pékin rejoindra le deal. On peut légitimement s’interroger sur ce qui enjoindra Poutine et Xi à le respecter autrement que sur le papier.

Un nouveau “Star Wars”?

Ce “Golden Dome” de Trump rappelle énormément le projet “Star Wars” de Reagan, comme la presse avait baptisé le programme “Initiative de défense stratégique” en 1983. L’idée était aussi de protéger les États-Unis contre une frappe nucléaire stratégique, grâce à un système d’armes spatiales. Elle avait suscité les mêmes craintes de voir les États-Unis se replier derrière un bouclier protectionniste et ne plus couvrir leurs alliés européens et asiatiques.

Mais Star Wars a surtout été abandonné en 1993 par Bill Clinton, après avoir coûté 40 milliards de dollars de l’époque – soit 388 milliards de 2025, en comptant l’inflation. Le site officiel de la Maison Blanche, qui appelle d’ailleurs toujours le projet “Iron Dome for America” établit aussi ce parallèle.

“Le président Ronald Reagan s’est efforcé de mettre en place une défense efficace contre les attaques nucléaires”, peut-on lire. “Bien que ce programme ait donné lieu à de nombreuses avancées technologiques, il a été annulé avant d’avoir pu atteindre son objectif.” C’est une vision un peu tronquée: “Star Wars” n’a jamais été jugé réalisable à l’époque. Il l’est peut-être un peu plus maintenant, mais avant d’offrir toute protection, il garantira des contrats publics très intéressants pour certains hommes d’affaires du domaine spatial.