🇺🇸 Le décret de Trump contre l’immigration irrégulière est aussi une menace très tangible pour les autochtones américains

L’offensive annoncée par Donald Trump contre l’immigration illégale bat son plein, et provoque déjà des tensions avec les pays supposés accueillir les expulsés. Comme au Brésil et en Colombie, qui s’offusquent du traitement infligé à leurs ressortissants, menottés et privés d’eau durant le trajet, selon certains témoignages. Mais le décret signé par le nouveau président pour multiplier et accélérer les expulsions met aussi la pression sur les communautés américaines les moins susceptibles d’être qualifiées de migrantes: les nations autochtones.
Donald Trump veut remettre en question le droit du sol aux États-Unis, qui fait que par sa naissance, tout individu né dans le pays est citoyen américain, même si ses parents sont étrangers. Une mesure qui inquiète jusqu’aux autochtones du pays, qu’on penserait pourtant protégés, par définition. Mais bien qu’un décret de 1924, l’Indian Citizenship Act, garantit la citoyenneté à tous les représentants des peuples et des tribus, celle-ci pourrait être remise en cause par la nouvelle administration.
L’Indian Citizenship Act remis en cause?
Celle-ci considère que la naissance aux États-Unis ne confère pas à elle seule le droit à la citoyenneté, la personne doit également être “soumise à la juridiction des États-Unis”, selon les mots du ministère de la Justice pour, précisément, justifier la remise en question du droit du sol. Le ministère a évoqué une affaire de 1884 – donc avant l’Indian Citizenship Act – qui avait conclu que les membres des tribus “indiennes” ne sont pas “soumis à la juridiction” des États-Unis, car leur première “allégeance” va à leur tribu.
Or, les autochtones possèdent techniquement une forme de double nationalité, américaine d’une part, et de leur nation de l’autre. Et cette appartenance, parfois qualifiée de tribale, avait longtemps été utilisée pour leur refuser la citoyenneté américaine, sous prétexte que cette “soumission” ne serait pas compatible avec celle envers les USA.
Une logique juridique assez bancale, qui repose sur des affaires datant du XIXe siècle, mais qui se retrouve soudainement remise au goût du jour. En premier lieu pour justifier la déportation d’enfants nés aux USA de parents en séjour illégal. Mais qui pourrait servir à démolir les droits des autochtones actuels, acquis par leurs ancêtres en 1924.
“Ce n’est pas un argument juridique valide, ni même nouveau”, confirme auprès d’Associated Press Gerald L. Neuman, professeur de droit international, étranger et comparé à la faculté de droit de Harvard. “Mais il bénéficie d’un mouvement politique plus large derrière lui, et il est ancré dans un degré de xénophobie et de préjugés ouvertement exprimés.”
Des “rafles” d’autochtones
Et l’affaire dépasse déjà le cadre de la théorie juridique. CNN et Radio Canada rapportent déjà des cas de “rafles” menées par l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) et ciblant les Navajos habitant en Arizona, au Nouveau-Mexique et en Utah. “Ces rafles suscitent de la peur, particulièrement chez les membres qui vivent en zone urbaine et qui ont difficile à se procurer des documents d’identité”, souligne le comité Naabik’íyáti’, un important organe législatif de cette nation autochtone.
“Même s’ils possèdent des certificats de sang indien et des pièces d’identité délivrées par l’État, plusieurs personnes ont été détenues et interrogées par des agents de l’immigration qui ne reconnaissent pas ces documents comme étant des preuves de citoyenneté”, alarme le communiqué du comité, qui s’engage à aider les Navajos à obtenir les documents nécessaires, le cas échéant. D’autres organisations représentatives des nations et tribus autochtones ont appelé leurs membres à la prudence, et à toujours garder sur eux des preuves d’identité.
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