🇫🇷 “On a oublié de nous dire merci”: les propos de Macron largement dénoncés en Afrique
La France a eu “raison” d’intervenir militairement en Afrique “contre le terrorisme depuis 2013″, mais les dirigeants africains ont “oublié de nous dire merci”, a déclaré lundi Emmanuel Macron ce lundi lors de la Conférence des ambassadrices et ambassadeurs. Des propos qui ont provoqué de nombreuses réactions, notamment de la part des autorités tchadiennes et sénégalaises.
Emmanuel Macron sur la lutte contre le terrorisme en Afrique: "Je crois qu'on a oublié de nous dire merci (…), on était là à la demande d'États souverains" pic.twitter.com/ga8dBLSTsi
— BFMTV (@BFMTV) January 6, 2025
À propos de “l’engagement contre le terrorisme”, en Afrique, à partir de 2013, la France “avait raison”, a souligné Emmanuel Macron. “Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, est une maladie non transmissible à l’homme”, a ironisé le président français lors de la réunion annuelle des ambassadeurs de France. “Je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage, vis-à-vis de leurs opinions publiques, de le porter: aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région”, a-t-il ajouté.
“On avait demandé à la France de venir”
“On est partis parce qu’il y a eu des coups d’État et parce qu’on était là à la demande d’États souverains qui avaient demandé à la France de venir. À partir du moment où il y a eu des coups d’État, que la priorité n’était plus la lutte contre le terrorisme, c’est ceci ou cela, qu’importe, la France n’y avait plus sa place, donc on est partis”, a-t-il complété.
“Attitude méprisante”
Dans la foulée, le gouvernement tchadien a exprimé sa “vive préoccupation” et des “propos qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains”, indique un communiqué du ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, lu à la télévision d’État lundi soir (suite ci-dessous).
Emmanuel #Macron doté de cette capacité à insulter les personnes et le pire c'est qu'il ne s'en rend même pas compte. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger,le Sénégal et le Tchad dénoncent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains. #MacronDémission pic.twitter.com/nBlrcSUcf8
— Dolto (@Fils2Psy) January 7, 2025
Le Tchad a rompu fin novembre aux accords militaires qui le liaient à l’ancienne puissance coloniale. M. Koulamallah rappelle “qu’il n’a aucun problème avec la France” mais également que “les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain”.
Le Sénégal conteste
Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a quant à lui contesté lundi que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar et s’est inscrit en faux avec virulence contre des propos du président. M. Sonko a qualifié sur les réseaux sociaux de “totalement erronée” l’affirmation selon laquelle le départ annoncé de centaines de soldats français ferait suite à une proposition de la France qui aurait laissé aux pays concernés par une réorganisation de la présence militaire française la primeur d’annoncer de tels retraits.
Le Président Emanuel Macron a affirmé aujourd’hui que le départ annoncé des bases françaises aurait été négocié entre les pays africains qui l’ont décrété et la France.
— Ousmane Sonko (@SonkoOfficiel) January 6, 2025
Il poursuit en estimant que c’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti la primeur… pic.twitter.com/kNrBtkEGE0
Libération de la France
Dans son communiqué, Abderaman Koulamallah souligne notamment le “rôle déterminant” de l’Afrique et du Tchad dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales que “la France n’a jamais véritablement reconnu” ainsi que “les sacrifices consentis par les soldats africains”. “En 60 ans de présence (…) la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien”, a-t-il critiqué. “Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome” a ajouté M. Koulamallah.
Dernier point d’ancrage français au Sahel
Les opérations de retraits de l’armée française ont débuté en décembre. Le Tchad constituait le dernier point d’ancrage de la France au Sahel, avec environ un millier de soldats stationnés, principalement au camp Kossei dans la capitale tchadienne N’Djamena. Des troupes et des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l’indépendance en 1960, servant à la formation et l’entraînement des militaires tchadiens. L’ex-puissance coloniale a compté jusqu’à plus de 5.000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération antijihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.
Retrait des anciennes colonies
Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée et se sont rapprochées de Moscou. Le mois dernier, à quelques heures d’intervalle, le Sénégal et le Tchad ont à leur tour annoncé le départ des militaires français de leur sol et officialisé une “réorganisation”. En janvier, la Côte d’Ivoire a également annoncé que la base militaire française de Port-Bouet près d’Abidjan serait rétrocédée au pays. Selon le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2021, ces accords étaient “complétement obsolètes”, face “aux réalités politiques et géostratégiques de notre temps”.
Trois années de transition
En mai dernier se sont achevées à N’Djamena trois années de transition, avec l’élection de Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby, tué par des rebelles au front en 2021. Menacé par des offensives rebelles, Déby père avait pu compter sur l’appui de l’armée française pour repousser celles-ci en 2008 puis en 2019.
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