🇨🇳🇰🇵 Ce qui se cache derrière la visite russe en Corée du Nord: “La fissure entre Poutine et Xi ne cesse de s’agrandir”

🇨🇳🇰🇵 Ce qui se cache derrière la visite russe en Corée du Nord: “La fissure entre Poutine et Xi ne cesse de s’agrandir”

“La fissure entre Poutine et Xi ne cesse de s’agrandir.” Mercredi, les médias d’État nord-coréens ont publié des photos de l’arrivée du ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, à Pyongyang. La Russie, alliée historique de la Corée du Nord, est l’une des rares nations avec lesquelles Pyongyang entretient des relations amicales. Cette visite pourrait néanmoins avoir des ramifications plus profondes. “La peur que la Russie puisse s’émanciper de la République populaire grandit à Pékin”, affirme Alexander Görlach, journaliste et professeur de théorie démocratique à la NYU Gallatin School, dans les colonnes du journal allemand Focus.

Selon l’enseignant, cette visite met en évidence l’importance grandissante de l’axe Moscou-Pyongyang. L’année dernière, des informations concernant une possible livraison d’armes chinoises à la Russie par l’intermédiaire d’entreprises contrôlées par la Corée du Nord faisaient le tour des médias. Des affirmations qui ont été rapidement balayées par Pékin.

L’approche de Pékin vis-à-vis de toutes ces dictatures était et reste la suivante: les laisser semer le chaos dans le monde libre dirigé par les États-Unis, tant qu’elles laissent la Chine tranquille et qu’elles ne contrecar­rent par ses ambitions.

Alexander Görlach

Ce qui reste cependant indéniable, selon Alexander Görlach, sont les alliés et partenaires que partagent la Russie et la Chine. “Des acteurs peu sympathiques: la Corée du Nord, l’Iran et le Qatar”, affirme-t-il. “Le régime iranien, gouverné par les Mollahs, livre des drones à la Russie, qui sont ensuite utilisés pour cibler la population. Et l’approche de Pékin vis-à-vis de toutes ces dictatures, qui orbitent autour du dirigeant chinois, était et reste la suivante: les laisser semer le chaos dans le monde libre dirigé par les États-Unis, tant qu’elles laissent la Chine tranquille et qu’elles ne contrecarrent par ses ambitions. Le soutien de la Chine à Moscou et à Pyongyang doit donc être compris en ce sens.”

Les deux alliés ont néanmoins décidé de contourner leur puissant partenaire en s’entretenant directement l’un à l’autre, de manière bilatérale. Contrairement à la Chine, la Corée du Nord est également la cible de sanctions occidentales, ce qui favorise un rapprochement entre les deux parias. Cette proximité, Xi Jinping n’a pas osé l’afficher en public de peur de se retrouver sur la liste des pays sanctionnés.

Fragilisé

“Cette visite est d’autant plus suspecte aux yeux de Pékin que Poutine a mis, la semaine dernière, des bâtons dans les roues de l’un de ses alliés le plus important, son grand ami Xi Jinping”, explique le professeur. Alexander Görlach fait ici référence à l’accord céréalier crucial pour l’alimentation mondiale que Moscou a décidé d’abandonner au grand dam de Pékin. Selon les données officielles du JCC, la Chine et la Turquie sont les premiers bénéficiaires des cargaisons, ainsi que les économies développées.

Le fait qu’il soit dorénavant dépendant d’eux pourrait se retourner contre lui. (…) Dans l’idéologie nationalis­te chinoise, la Chine ne peut en aucun cas dépendre d’autres États.

Alexander Görlach

“La Chine, qui voit d’un côté son économie secouée par la realpolitik de Xi, et qui, d’un autre côté, doit gérer une pénurie d’eau dans le nord et des inondations dans le sud, dépend de l’importation des céréales pour empêcher une crise alimentaire », explique le professeur Görlach. En février 2021, Xi Jinping a affirmé avoir mis fin à la pauvreté en Chine. “La réalité semble toutefois bien différente.” Selon l’expert, des millions de personnes, notamment des personnes âgées, vivraient sous le seuil de pauvreté.

“Si de plus en plus de citoyens devaient en outre souffrir de famine, cela deviendrait une expérience parmi d’autres”, ajoute l’enseignant. “Xi Jinping se retrouverait alors dans une situation similaire à celle du coronavirus, lors de laquelle le régime mentait sur le nombre de victimes tandis que la population, grâce à son environnement proche, se rendait bien compte de ce qu’il se tramait réellement au sein du pays.”

À l’heure actuelle, la Chine importe ses céréales d’Australie, du Canada et de France. En ce qui concerne Canberra et Ottawa, le régime de Xi se trouve à la croisée des chemins. Le dirigeant chinois a, à plusieurs reprises, tenté d’influer sur la politique de ces deux pays en imposant des sanctions économiques draconiennes. “Le fait qu’il soit dorénavant dépendant d’eux pourrait se retourner contre lui. Ils pourraient en effet utiliser cette situation pour l’humilier puisque, dans l’idéologie nationaliste chinoise, la Chine ne peut en aucun cas dépendre d’autres États.”

Les prochaines semaines s’annoncent donc intéressan­tes: le lien entre les deux dirigeants sera-t-il suffisam­ment puissant, ou leur relation s’écroulera-t-el­le?

Alexander Görlach

Une fissure

La relation entre Poutine et Xi n’est donc pas au beau fixe. “Par ailleurs, la perspective de voir Moscou et Pyongyang s’éloigner peu à peu de l’influence chinoise, n’est pas vu d’un bon œil par Pékin”, affirme Alexander Görlach. “Une fissure se forme entre Poutine et Xi. Les prochaines semaines s’annoncent donc intéressantes: le lien entre les deux dirigeants sera-t-il suffisamment puissant, ou leur relation s’écroulera-t-elle?”

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