Festival de Cannes: une cérémonie d’ouverture glamour pour briser la malédiction du Covid

Festival de Cannes: une cérémonie d’ouverture glamour pour briser la malédiction du Covid

Le 6 juillet au soir, après deux ans de suspens, le moment magique si longtemps attendu s’est enfin produit. Lors d’une cérémonie d’ouverture truffée de stars, le Festival de Cannes a réussi à montrer une famille du cinéma heureuse et unie. Une soirée glamour, rythmée par les déclarations d’amour pour le septième art. Le tout pimenté par des scènes de sexe entre Marion Cotillard et Adam Driver dans « Annette », premier film en lice pour la Palme d’or, mais plutôt décevant.

Dès le tapis rouge, le miracle a eu lieu. Une Marion Cotillard rayonnante, souriante, sans masque et visiblement très tactile ce soir-là, donne des autographes et rend ses fans heureux. Dans la salle, Adam Driver se fait draguer devant la caméra par la maîtresse de cérémonie. Et quand Jodie Foster reçoit après des standing ovations sa Palme d’or d’honneur, c’est comme une évidence, elle embrasse Pedro Almodovar. Les émotions retrouvées ont emporté le règlement officiel. La preuve d’une renaissance du Festival de Cannes, après l’éprouvante crise du confinement.

« Faire la liaison entre l’année 2019 et l’année 2021 »  

Le défilé de très grands cinéastes et acteurs en robe de luxe ou costume taillé a donné le la. Spike Lee, président du jury et légende vivante du cinéma au service du black power, était habillé sous son chapeau noir en costume et lunettes roses. Mais c’est le Coréen Bong Joon-ho, réalisateur de Parasite, qui a eu l’honneur à déclarer ouverte la 74e édition du plus grand festival de cinéma au monde. Pour l’occasion, la dernière Palme d’or a même interrompu l’écriture de son nouveau scénario. À la question : pourquoi a-t-il été choisi ? le délégué général Thierry Frémaux a simplement répondu : « Pour faire la liaison entre l’année 2019 et l’année 2021 ».  

Autrement dit : essayer de transformer l’annus horribilis 2020 et la crise de Covid-19 en une parenthèse pour retrouver le Cannes d’avant, même si beaucoup d’éléments indiquent que le « monde d’après » ne le permettra pas. Jodie Foster a visé juste. Pour elle, le cinéma se trouve « au début d’une année inconnue ».

« Annette » et Amazon

Toute la complexité du futur cannois s’exprime dans mille détails. Par exemple, dans le fait que le président du jury de Cannes, Spike Lee, ait signé sa dernière œuvre, Da 5 Bloods, pour Netflix, la plateforme toujours bannie de la compétition cannoise. Et c’est peut-être plus qu’un hasard que dans le film d’ouverture du Festival, Annette, le logo de la plateforme Amazon, coproducteur et distributeur du film, se soit affiché en premier et en très grand sur l’écran géant regardé par la crème du cinéma mondial.

Quant à Leos Carax, le réalisateur devenu culte depuis son film fou Les Amants du Pont-Neuf avec Juliette Binoche, il a plutôt déçu. Annoncé comme une comédie musicale basée sur les compositions des Sparks, célèbre groupe pop-rock de Los Angeles, Annette a suscité des attentes énormes, encore renforcées par un casting de rêve. Adam Driver incarne Henry, artiste de stand-up dont la marque de fabrique est de choquer et détruire son public. Il tombe amoureux d’Ann, grande diva de l’opéra, interprétée avec un immense courage par Marion Cotillard, car le rôle exige de chanter en direct sur la musique des Sparks.

Marion Cotillard et Adam Driver dans « Annette » de Leos Carax, en lice pour la Palme d’or du Festival de Cannes 2021. © UGC Distribution

Un flux ininterrompu de chansons et de mélodies

Au début, la mise en scène du film séduit par sa capacité à transgresser aisément les frontières entre les réalités du film et de la vie quotidienne, entre la scène et la salle, et c’est formidable quand les spectateurs commencent à leur tour à interpréter et diriger le spectacle.

Hélas, la recherche ostentatoire d’une nouvelle forme cinématographique lasse rapidement. Marion Cotillard, Adam Driver et les Sparks interprètent chacun brillamment leurs partitions, mais sans réussir à aller au-delà de leur propre prestation et à insuffler au film un côté mystérieux. Certaines scènes ressemblent presque à du théâtre filmé ou à de l’opéra au cinéma. Le récit devient vite atone et prévisible, accompagné par un flux ininterrompu de chansons et d’airs noyant les moments les plus touchants dans une sauce de mélodies racoleuses. Tout soupçon de profondeur ou de rythme est étouffé.

« Nous nous aimons tellement »

À partir de la naissance d’Annette, une fille pas comme les autres, ce n’est pas seulement le couple qui sombre dans un destin tragique, mais tout le film avec. La chanson d’accouchement particulièrement discutable est le point de départ de nombreuses scènes transpirant le politiquement correct et de clichés aussi kitsch que gênants, de la moto jusqu’au tunnel en passant par la lune et le loup hurlant. La chanson si enthousiasmante du début, « Nous nous aimons tellement », se transforme en chant du cygne. Le Festival de Cannes d’après démarre avec un film certes inattendu, mais beaucoup moins inoubliable.

RFI