100 ans de la radio: une longue histoire qui continue

100 ans de la radio: une longue histoire qui continue

L’histoire de la radio commence à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. D’abord utilisée dans le domaine de la marine, son potentiel stratégique pour la diffusion d’informations à des fins politiques – ou commerciales – l’a fait évoluer rapidement. Outil de propagande ou de démocratisation, d’éducation ou de divertissement elle a su, au gré des progrès technologiques, se faire une place de choix dans le vaste paysage des systèmes de communication d’informations du XXIe siècle. 

Des inventions successives

La transmission sans fil par radiodiffusion (TSF), comme beaucoup d’autres inventions dans l’histoire de l’humanité, s’est construite autour d’une succession d’avancées technologiques survenues à partir de 1837. Durant cette année, le physicien anglais Charles Wheatstone et William Fothergill Cooke, un jeune inventeur, fabriquent et mettent au point le premier télégraphe électrique en exploitant les ondes électromagnétiques pour transmettre les signaux d’une lettre à l’entrée de la gare de Camden Town à Londres. Puis, l’américain Samuel Morse dépose le brevet pour un télégraphe électrique qui à chaque extrémité possède un émetteur et un récepteur capable de communiquer les traits et les points : c’est la naissance du code Morse.

En 1886, l’ingénieur allemand Heinrich Rudolf Hertz démontre l’existence des ondes électromagnétiques capables de se propager à la vitesse de la lumière. Trois ans après, en 1889, à New York, l’ingénieur et l’inventeur d’origine serbe Nikola Tesla met au point un générateur hautes fréquences de 15kHz. Peu de temps après, il invente un radio télégraphe sans fil Tesla, la « bobine Tesla », pour amplifier les transmetteurs et les lampes électroniques froides grâce auxquels il expérimente une première communication radio en 1893. De l’autre côté de l’Atlantique, le tout premier récepteur d’ondes hertziennes est conçu par le physicien et médecin français Edouard Branly grâce à la découverte du principe de la radioconduction.

Finalement, c’est l’ingénieur italien Guglielmo Marconi qui utilise les inventions précédentes pour effectuer en 1899 la première transmission télégraphique d’un message en Morse sur une grande distance, entre la France et l’Angleterre.

Pour transmettre la voix à la place d’un message en Morse, c’est l’inventeur canadien Reginald Fessenden qui développera la transmission par modulation d’amplitude (AM) au tout début du XXe siècle. C’est le 24 décembre 1906 que Fessenden diffuse un mini programme comprenant des versets de l’Évangile et des cantiques religieux. Cette date est considérée celle de la naissance de la radio !

Afin d’améliorer la qualité d’émission et de réception des signaux, l’Américain Lee De Forest invente la première lampe amplificatrice triode. C’est l’ancêtre de l’amplificateur électronique qui permet la fabrication des postes de réception connus comme les postes TSF.

Le développement de la diffusion

L’aspect technique mis au point, les conditions sont réunies pour le développement de la radiodiffusion dans le monde et à destination du grand public.

En Belgique, à l’aube de la Première guerre mondiale, au printemps 1914 et depuis le château d’Albert Ier à Laeken, une première station radio diffuse des concerts de musique classique tous les samedi soir. Mais la diffusion s’arrête en août de la même année : le roi des Belges ordonne de dynamiter les installations pour qu’elles ne tombent pas entre les mains des Allemands. Le tourbillon de la Grande guerre met donc en parenthèse le développement et l’utilisation de la radio à destination de la population. Les militaires s’emparent de la radio comme arme de propagande et d’espionnage des ennemis.

Il faut attendre la période de l’entre-deux-guerres pour assister à la naissance de la radio comme un média à destination du grand public. Dans les années 1920, on voit apparaitre les premières stations en Europe et aux États-Unis. Après les diffusions ponctuelles ou hebdomadaires, de plus en plus de stations proposent un programme quotidien comme Marconi Company en Angleterre, la KDKA à Pittsburgh (Pennsylvanie) et à Washington. En France, c’est Radio Tour Eiffel qui, en décembre 1921, met en ondes la première émission et diffuse un concert.

Mais les émissions radio sont vite diversifiées par d’autres contenus que la musique. Les bulletins d’informations sont de plus en plus fréquents et les ondes sont aussi utilisées à des fins de campagne électorale, comme en 1925 par le candidat aux élections présidentielles américaines Herbert Hoover. Les émissions de divertissement et les fictions trouvent leur place aussi assez rapidement : en 1938, le célèbre cinéaste Orson Welles diffuse « La Guerre des Mondes », une dramatique radio très réaliste adaptée du roman de l’écrivain H. G. Wells, provoquant un important vent de panique aux États-Unis selon les journaux de l’époque.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la radio trouve encore une fois un grand intérêt pour la propagande et la communication. Malgré les brouillages mis au point, Radio Londres joue un rôle très important dans les rangs des alliés et de la Résistance française en transmettant par les ondes les informations codées. C’est sur cette même station que général De Gaulle fait son célèbre « Appel du 18 juin 1940 ».

Du poste TSF familial aux transistors, la radio évolue

La véritable démocratisation de la radio intervient après la Seconde Guerre mondiale grâce à l’évolution technique qui simplifie les récepteurs qui font désormais leur entrée dans la plupart des foyers. Puis, l’apparition des ondes à fréquences modulées (FM) améliore la qualité de réception et apporte un confort d’écoute inédit. Mais l’invention des postes radio à transistors en 1954 individualise l’écoute de la radio car elle peut désormais être écoutée partout : dehors, dans la voiture, en travaillant… Facile à produire et pas très couteux, le transistor devient un produit accessible à tous : c’est une nouvelle époque de la radio qui commence.

La radio, arme de guerre idéologique et politique

En 1950, avec le début de la guerre froide, les États-Unis et l’URSS vont très largement exploiter la radio pour étendre leurs zones d’influence. Tous les programmes d’actualités mais aussi de divertissements sont autant de vecteurs de propagande et de contre-propagande.

C’est dans ce contexte que les États-Unis créent Radio Free Europe (RFE) puis, en 1953, Radio Liberty (RL) à destination des pays du bloc soviétique. Rapidement, RFE et RL deviennent les bêtes noires des services secrets d’Europe de l’Est. Malgré les brouillages de fréquences, les arrestations et même des attaques à la bombe, ces radios financées par le Congrès américain via la CIA donnent la parole aux dissidents soviétiques en exil et participent à la dislocation progressive du bloc soviétique. Depuis leur fusion en 1976, RFE-RL émettent depuis Prague vers l’Europe et le Moyen-Orient, dans 21 pays et en 28 langues, sur les ondes et sur internet, toujours avec le financement du Congrès américain.

La radio, c’est aussi un outil de communication au service d’un peuple : à partir de janvier 1968, la Tchécoslovaquie connait une période de libéralisation, le « Printemps de Prague », durant laquelle le réformateur Alexander Dubček, nouvellement élu au Parti communiste tchèque, introduit le « socialisme à visage humain ». Radio Prague, la radio nationale, sert de plateforme d’expression aux politiques pro-réformes. Mais dans la nuit du 20 au 21 août, l’URSS réplique en envoyant des chars et troupes du Pacte de Varsovie envahir Prague pour stopper les réformes. Radio Prague devient le point stratégique à défendre et le porte-voix du peuple tchèque en transmettant les messages de la résistance qui se propagent rapidement notamment grâce à la mobilité des transistors. Face aux violences engendrées par l’invasion, le gouvernement tchécoslovaque appelle le peuple à ne pas résister. C’est la fin du « Printemps de Prague ». Cependant, les intellectuels tchèques tissent les mailles d’une dissidence organisée qui participera à la fin du système soviétique avec la Révolution de velours menée par Vaclav Havel en 1989.

Des radios pirates aux radios libres

Pendant les années 60 en Europe, l’évolution des émetteurs radio améliore la portée des ondes FM et va permettre l’émergence de stations de radio pirates qui émettent depuis des zones géographiques échappant aux réglementations en vigueur. Majoritairement associatives, ces radios s’opposent au monopole d’État sur les médias et revendiquent l’utilisation de la radio comme outil d’expression démocratique en diffusant des programmes plus adaptés aux attentes du public : en 1964 au Royaume-Uni, Radio Caroline et Radio London s’adressent à la jeunesse et contribuent à l’essor de la culture pop. En France, il faut attendre 1977 pour entendre Radio Verte Fessenheim, la voix des opposants aux projets de centrales nucléaires et 1979 Lorraine cœur d’acier, celle du syndicat CGT en lutte contre la fermeture des usines du milieu de la sidérurgie.

L’arrivée en 1981 de François Mitterrand à la présidence française va faire évoluer le statut de ces radios clandestines en leur octroyant une existence légale dans le paysage médiatique. Les radios pirates deviennent des radios « libres » qui s’organisent en réseaux pour se financer et se développer. Mais l’essor anarchique des stations de radios et la convoitise des grands groupes privés pour la bande FM oblige le gouvernement à légiférer l’attribution des fréquences.

De la bande FM à la radio numérique terrestre

L’arrivée d’internet à la fin des années 90 et l’évolution des technologies numériques vont considérablement bouleverser les espaces de diffusion et les modes d’écoute de la radio. L’espace de diffusion est illimité sur le Web et sur la bande FM, la numérisation et la compression du signal audio permet de diffuser plusieurs stations de radio sur une même fréquence. La qualité du son est meilleure et les podcasts, portés par le flux RSS, permettent le confort d’une écoute à la demande, facilitée par l’apparition de baladeurs numériques et plus tard, des smartphones.  

La bande FM a donc fait place à la technologie DAB, ou Digital Audio Broadcasting, le standard de diffusion numérique développé par les Européens. En 2007 il devient DAB+, un standard mondial déployé sur plusieurs continents, principalement en Europe et en Asie Pacifique. En France, il est connu sous le nom de radio numérique terrestre (RNT).

La radio fut le premier média du champ audiovisuel. Avec l’arrivée de la télévision, elle s’est rendue mobile. Le numérique et internet lui ont permis de se renouveler et de se déployer plus tard sur les réseaux sociaux. Plus de cent ans après les premières transmissions de Marconi, elle a toujours su s’adapter à son époque et reste résolument un média tourné vers l’avenir.

RFI