Liban: après les menaces de la France, le silence des officiels, l’enthousiasme des opposants
Samy Gemayel, le chef du parti chrétien Kataeb, ne cache pas sa satisfaction. Il faisait partie des représentants de l’opposition et de la société civile reçus par Jean-Yves Le Drian jeudi 6 mai. Selon lui, la France a changé de cap au Liban en pariant non plus sur la classe politique traditionnelle, mais sur « les forces du changement ».
Lors de ses deux précédentes visites en août et en septembre 2020, Emmanuel Macron avait réuni les représentants des principaux partis siégeant au Parlement. Huit mois plus tard, son ministre des Affaires étrangères les a ignorés, se contentant de courtes rencontres protocolaires avec les dirigeants. Mais il a reçu pendant deux heures des membres de l’opposition et des figures proches du mouvement de contestation.
Le ministre a laissé entendre que la France allait maintenant se concerter avec ses partenaires internationaux – c’est un mot très vague – pour voir quelle serait la deuxième étape d’une sorte de pression sur la classe politique libanaise. En fait c’est une façon de sauver la face, en jetant la balle un tout petit peu plus loin… La France avait essayé de mobiliser ses partenaires européens il y a quelques semaines, pour des sanctions collectives européennes, vis-à-vis du Liban. Cela n’avait rien donné, puisqu’évidemment, les Européens ne voient pas de la même façon que la France, la question libanaise. En tout cas, pas tous. Donc cela laisse augurer aussi d’une sorte d’impasse au niveau de ce regroupement international, pour faire quelque chose de concerté sur le pays. La France continuera à s’intéresser probablement au Liban au niveau humanitaire, au niveau d’urgence, au niveau peut-être de l’aide à la société civile. Mais je pense que l’initiative politique, aujourd’hui, est n’est largement plus aux mains de Paris.
Michel Moawad, un ex-député qui a quitté le Parlement pour rejoindre l’opposition, tient le même discours. La France, a-t-il dit, est désormais convaincue que « l’approche du problème libanais ne doit pas être uniquement financière et économique » mais également politique.
Les loyalistes, eux, sont plus réservés. Le député Assaad Dergham, membre du Courant patriotique libre, CPL, fondé par le président Michel Aoun, a espéré que les sanctions contre des personnalités politiques accusées de blocage, envisagées par la France, ne devraient pas être « politisées comme celles des États-Unis ».